« Mal nommer un objet c’est ajouter au malheur de ce monde » écrivait Albert Camus dans le texte Sur une philosophie de l’expression en 1944.
Depuis 2019, le média AuxSons.com cherche à valoriser l’immense diversité d’esthétiques habituellement regroupées sous les grandes étiquettes « musiques du monde », « world music », « sono mondiale » ou « global music » … Mais quel objet ces mots nomment-ils ? En réalité, en soulevant le tapis de ces formules fourre-tout, on trouve l’immense richesse d’expressions musicales hétéroclites, rurales ou urbaines, sacrées ou profanes, intimes ou collectives, traditionnelles ou contemporaines, héritées ou refaçonnées. Une ineffable diversité d’esthétiques, de styles et de genres qui reflètent la multitude d’identités culturelles qui peuple la planète, en dehors de toute hégémonie qui formate, uniformise et globalise. Des musiques qui sont autant de ruisseaux de traverses s’écartant du mainstream identitaire dominant.
Conscients des déséquilibres économiques mondiaux, les professionnels signataires de la Charte des Musiques du Monde de Zone Franche (le Réseau des Musiques du monde qui édite le média #AuxSons), s’engagent à agir pour la stabilisation d’échanges équitables, en particulier dans la coopération Nord-Sud. Des échanges équitables s’inscrivant donc à l’encontre de toute forme de spoliation culturelle.
Contestées pour ce qu’elles soulèvent d’ethnocentrisme et d’héritages laissés par le colonialisme et le capitalisme mondial, les appellations « world music » ou « musiques du monde » posent question et mériteraient sans doute leur aggiornamento. Une mise à jour des mots que nous posons sur les choses, qui charrient, convoquent et façonnent nos imaginaires et nos sensibilités. Des mots qui ont leurs conséquences au niveau des conditions matérielles de création, diffusion et réception des œuvres produites.
Pour amorcer un début de questionnement, quatre articles ouvrent la réflexion :
- un point de vue sociolinguistique, avec l’enquête du chercheur Philippe Blanchet
- un point de vue journalistique avec l’analyse de Shiba Melissa Mazaza
- un point de vue musicologique avec l’étude de l’ethnomusicologue Marta Amico
- un point de vue artistique, avec un recueil de témoignages d’artistes de différentes générations par Anne-Laure Lemancel.
Ce dossier n’est qu’un début et nous ne prétendons pas répondre à toutes les questions qu’il soulève, ni clore ce débat. Il est voué à être alimenté et enrichi d’autres perspectives. N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez apporter votre pierre à l’édifice ou faire raisonner un autre son de cloche !