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Fondés en 1973, toujours menés par deux de ses membres historiques ( au centre, en tenue orange ), les musiciens nigérians des Oriental Brothers perpétuent l'esprit de la highlife ibo.
Fondés en 1973, toujours menés par deux de ses membres historiques ( au centre, en tenue orange ), les musiciens nigérians des Oriental Brothers perpétuent l'esprit de la highlife ibo. - Droits réservés

Au Nigeria, les beaux restes du highlife

Bande son du Nigeria des années 70, le highlife reprend des couleurs grâce à une nouvelle génération de musiciens, dont certains, tels que les Cavemen, commencent à se faire un nom en Europe. Tour d’horizon.

On l’avait laissé un peu grisonnant, sur la scène du restaurant-club O’Jez de Lagos, à la fin des années 2000, durant des dimanche d’anthologie dédiés à sa old school nigériane : Osito Osadebe, Celestine Ukwu.

En cette année d’élection présidentielle nigériane, on redécouvre le highlife national en pleine forme. Des jeunes qui font du neuf avec du vieux et des anciens en plein retour de grâce : jamais la bande son des igbo, l’un des trois principaux groupes ethniques du géant ouest africain, ne s’était aussi bien portée depuis ses trente glorieuses. L’ère de gloire de ses groupes aux irrésistibles guitares, portées par des auteurs aux itinéraires souvent brisés par la guerre du Biafra, s’était achevée au milieu des années 70, durant la reconstruction de l’après guerre de sécession, alors que les pétrodollars coulaient à flots et que la musique Yoruba reprenait la main, donnant le la de la fin du siècle. Juju music, afrobeat, disco, reggae, et finalement naija pop, avaient fini par repousser le highlife igbo vers ses terres d’origine, le Nigéria oriental, et ses clubs d’Owerri, d’Onitsha, d’Akwa et d’Asaba, tous rêvant de retrouver un tube à la hauteur du Sweet Mother du camerouno-nigérian Prince Nico M’barga, parmi les premiers morceaux de musique moderne africaine à s’exporter hors du continent.

 

Le highlife était rentré au musée des souvenirs, servant de bande son à L’Autre moitié du soleil, premier livre écrit par l’une des plus célèbres voix contemporaines de la culture igbo, l’écrivaine Chimanda Ngozi Adichie. Or voila que cet antidote à la morosité ambiante reprend la route du stream global, parrainé par par un nombre grandissants de jeunes influenceurs igbo. La candidature aux présidentielles de cette fin février 2023 d’un challenger particulièrement populaire parmi la jeunesse urbaine - le candidat igbo Peter Obi, du Labour Party, ancien gouverneur de l’Etat d’Anambra - participe à ce regain de popularité. Le politicien, avec ses supporters « obidients », est soutenu par de nombreux artistes nigérians, dont, évidement ceux de la scène highlife : de l’ancien Chief Emeka Morocco Maduca à la jeune pousse Top O Onyeozizi, qui invite ici à voter pour ce candidat.

Top O Onyeozizi - Peter Obi

 

« Le Nigeria d’hier, ce n’était pas que Fela et l’afro funk tout comme celui d’aujourd’hui ce ne sont pas que ses afrobeats  » atteste Lucas Silva, du label colombien Palenque Records ; qui tisse depuis plus de 20 ans des ponts sur l’Atlantique noir entre l’afro-Colombie et le Golfe de Guinée. Associé à  Odogwu Entertainment fondée par Nnamdi Moweta,  DJ et ex manager nigérian du défunt musicien Chief Stephen Osita Osadebe, Palenque Records est derrière un come back historique et de magnifiques re-découvertes.

 

Coté retour, il est gagnant avec les Oriental Brothers et leur premier album depuis 20 ans, O Ku Ngwo Di Ochi, serti de cinq nouveaux titres. Fondé en 1973, capable « de faire danser les dieux et les esprits », avec ses lignes rythmiques ciselées sur cinq guitares - dont une basse - le groupe est toujours porté par deux de ses membre fondateur, le chanteur et compositeur Ferdinand Dan Satch Chukuemueka Opara et le percussionniste Aquila.

 

Le label de Lucas Silva est aussi derrière la sortie en Europe du premier disque d’Azuka Moweta, aux récits truculents, portés par le staccato de l’okpokoro et les tchakas, ainsi que de plusieurs albums signés du guitariste tout terrain (depuis 1993) Oliver Nayoka, que l’on a vu d’ailleurs jouer récemment devant un aussi enthousiaste que généreux Peter Obi. À tort, Oliver Nayoka est souvent pris pour le fils du défunt du roi du son Ogene, le guitariste Oliver Sunday Anakite, alias Oliver De Coque, l’homme aux 93 album publiés en particulier avec son groupe Expo 76.

Oliver Nayoka

 

Décédé en 2008, De Coque a de fait deux fils dans le circuit musical nigérian, Safin, au highlife matiné de hip hop, et Eco, au son plus orthodoxe. Son frère, Eugene, continue lui à ambiancer les soirées de l’Etat d’Anambra et de la diaspora igbo du continent, jusqu’à l’Afrique du Sud.

 

Mais ce sont d’autres noms qui s’imposent aujourd’hui sur les scènes du pays, bouturant le passé d’emprunts aux musique urbaines pour composer des bouquets de morceaux estampillées « afrohighlife », le pendant nigérian du hiplife ghanéen.

 

Autre duo familial, remarqué en 2022 à Londres : les Cavemen, soit Kingsley à la basse et Benjamin Okorie à la batterie et au chant pointu tutoyant les anges. Aprés Roots, leur premier album sorti en 2020, les frangins sont bien partis pour s’imposer sur notre vieux continent grâce à leur enthousiasmant nouveau 18 titres, Love and Highlife, une synthèse parfaite du son des étudiants nigérians, où interviennent sur Biri Made Kuti et sa trompette. Une manière de boucler la boucle : durant ses jeunes années de scolarité londonienne au Trinity College of Music, Fela, le grand père de Made, faisait ses gammes dans un groupe de highlife, les Koola Lobitos. Contrairement à leurs « Oriental Brothers », les Cavemen ont grandi dans le chaudron inter ethnique de Lagos, et reconnaissent s’être reconnectés à leur culture ancestrale grâce au highlife, « qui a toujours coulé dans notre sang et nos veines ».

 

Les deux frères qui ont passé la fin d’année en tournant au pays, multiplient les apparitions, figurant par exemple sur le morceau Good Times du nouvel LP de la nigériane Bukola Elimide, alias Asa.

Asa - Good Times ft. The Cavemen

 

Comme le dit un célèbre proverbe igbo : « Onweghi ihe bu ihe ohụrụ n’okpuru anyanwu », soit « Il n’y a rien de neuf sous le soleil ». Peut être, en tout cas, se montre-t-il actuellement particulièrement généreux…

 

 

Jean-Christophe Servant

Jean-Christophe Servant

Ancien du magazine de musiques urbaines l'Affiche durant les années 90, ex chef de service du magazine Géo, Jean-Christophe Servant suit depuis trente ans, particulièrement pour Le Monde Diplomatique, les aires anglophones d'Afrique subsaharienne, avec un intérêt particulier pour son industrie culturelle et ses nouvelles musiques urbaines.

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