La romancière, poétesse et essayiste, Hemley Boum connait la musique et particulièrement celle de son pays le Cameroun. Elle nous offre ici une sélection de dix chansons qui la font vibrer et nous raconte pourquoi.
« J’ai un souvenir très clair de la première fois que j’ai écouté cette chanson. Fin d’après-midi, après une journée d’école, j’étais dans la voiture avec mon père, nous rentrions à la maison et la chanson est passée à la radio. J’ai le souvenir de quelque chose de très joyeux et tendre. Je devais avoir une dizaine d’années. »
2. Lapiro de Mbanga- Mimba We
« Les chansons de Lapiro de Mbanga, celle-ci en particulier, ont été la bande son des mouvements politiques d’ampleur qui ont marqués le début des années 90 au Cameroun. L’engagement politique de l’artiste et la langue utilisée, le pidgin english, qui est celle de la rue et des sans-grades, en ont fait un chant de combat. »
3. Blick Bassy - Ngwa
« Blick Bassy s’adresse à Mpodol. Ngwa est un terme bassa difficile à traduire. Le terme « ami » ou « compagnon », qui a priori viendrait à l’esprit, peine à exprimer l’immédiateté de la connivence, la charge affective et intime contenue dans ce seul mot. Les camerounais, dans leur français aussi désinhibé et fantasque que précis, disent « ma personne » et s’il m’était permis un pléonasme, j’oserais »mon mien ». »
4. Franck Biyong - Hilolombi
« Le terme est repris par la religion pour désigner le dieu chrétien en langue bassa. Mais dans la cosmogonie traditionnelle de ce peuple, Hilolombi est l’ancêtre de toutes choses, le premier des pères. Un ancêtre n’est pas un dieu immatériel et omniscient, le lien ici est charnel. La fraternité viscérale entre l’homme et la nature, le visible et le subreptice, les vivants et les morts. La musique devient alors une expérience sensorielle, émotionnelle et humaine qui dit la spiritualité, le deuil partagé, la lutte, l’indéfectibilité des liens et l’indispensable solidarité. »
5. Francis Bebey - Idiba (remplacée par Ibiye sur Deezer et sur Spotify)
« Idiba me ramène aux matins de mon enfance, à l’atmosphère saturée d’humidité de Douala qui me manque où que je sois, à la silhouette lointaine du Mont Cameroun visible par beau temps. Tout cela est contenu dans la voix de Françis Bebey, dans l’adéquation parfaite entre la langue, les mots et la musique. »
6. Bébé Manga - Amio
« Cette chanson camerounaise a été reprise par les plus grands : de Manu Dibango en passant par Angélique Kidjo, Henri Salvador ou Papa Wemba. Ma version préférée reste celle de Bébé Manga. »
7. Les Têtes Brûlées - Essingan
« Pour les solo de guitare incroyable, la folie, l’énergie et là encore la joie qui se dégagent de ces rythmes traditionnels modernisés sans avoir sacrifié leur souffle. »
8. Richard Bona - Muntula Moto
« Pour la beauté, la grâce et toute la nostalgie contenue dans la musique. »
9. Tala Andrée Marie - Sikatin (remplacée par Mo Kwa Yie Mou sur Deezer)
« J’aime cette chanson sans avoir la moindre idée de ce dont elle parle. Ce qui me fait penser que compte tenu du grand nombre de langues parlées dans mon pays, j’ai l’habitude d’écouter des chansons sans en comprendre le sens. Au fond cela m’importe peu, je n’en ai pas besoin. Comme si la musique était un méta-langage au-delà des mots. »
10. Lady Ponce - Môn Yesus
« J’aime beaucoup l’impertinence, les métaphores, la danse. Cette liberté de ton, qui va jusqu’à la grivoiserie est aussi du féminisme. Une affirmation de soi. Je l’ai rarement observé ailleurs en africaine, en tout cas pas avec la même radicalité que les chanteuses de Bikutsi. »