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Mazaher band, Khaled Desouki AFP
Mazaher band, Khaled Desouki - © AFP, Music in Africa

Les musiques traditionnelles d’Égypte

Digne héritière de l’Égypte antique où la musique fut prépondérante, l’actuelle Égypte porte en elle les palimpsestes de son héritage maintes fois millénaire. Des fresques représentant des musiciens et musiciennes de la période prédynastique jouant harpes, flûtes et clarinettes nous renseignent sur l’importance de la musique dans la vie des Égyptiens d’antan.

A cheval entre l’Orient et l’Afrique, la diversité culturelle de l’Égypte se traduit aisément à travers sa musique. A l’aune des rapports de dominations et de la résilience, l’ensemble des musiques populaires et traditionnelles cohabitent pour former une unité cohérente. Ces musiques ont acquis la faculté de se fondre dans le paysage urbain moderne pour se réinventer.  Si la prédominance est, sans conteste, accordée à la musique classique égyptienne, les musiques traditionnelles et populaires des régions rurales résistent et se transmettent.

Inshad - Chants sufi (Haute-Égypte)

Cette musique ésotérique s’inscrit dans le registre religieux de tradition soufi (école de pensée musulmane). Présente dans plusieurs pays de tradition musulmane et pratiquée dans les cercles savants et mystiques, chaque pays conserve, cependant, des particularités intrinsèques et inhérentes à sa construction mélodique.

L’Inshad égyptien se modernise et s’exporte grâce au Cheick Ahmad Al-Tuni (1932- 2014). Surnommé le Sultan, il est considéré comme le plus grand munshid (chantre religieux) de l’Égypte. Révélé grâce au film Vengo de Tony Gatlif, il reforme le genre et pose les jalons d’une nouvelle orchestration combinant kamanja (violon), oud, riq (tambourin), tabla (percussion) et nay (flûte).

Cheick Ahmad Al-Tuni - Ya Madad

 

Zâr (Le Caire)

Le Zâr est une musique traditionnelle de transe pratiquée par les initiés (Kudiyya) lors des rituels d’exorcisme. D’origine éthiopienne, selon certaines sources, Zâr signifie « démon » ou encore « esprit ». Elle est en ce sens une des survivantes anté-islamique à caractère païen et animiste, stigmatisée et marginalisée. De ce fait, la cérémonie du Zâr se pratique à huis clos à la demande de l’exorcisé.

En 2000,  Ahmed el Magharaby, un des détenteurs de cette tradition populaire, fonde Mazaher, une formation musicale autour de la très charismatique doyenne septuagénaire Oum Sameh qui démocratise le genre et le propulse dans la sphère professionnelle et internationale. La formation demeure à ce jour la seule qui se produit sur scène devant un public profane, cela permis de lever le voile sur une pratique longtemps taxée de sectaire. Les instruments de prédilection sont le mizmar et les percussions (darbouka, riqq et tar).

 

Saïdi  (la Haute Égypte)

La musique saïdi, fait référence à la région multi-ethnique du Saïd (Haute Égypte) dont les principales villes sont Assouan, Louxor et Assiour. Cette musique traditionnelle paysanne compte parmi ses sous genre diverses variantes régionales comme el fellahi, maqsum, malfuf et le baladi qui sont la synthèse de plusieurs influences et se caractérisent par l’usage de l’échelle modale du quart du ton (trait distinctif des musiques proches orientales) dont le rythme se compose de quatre temps ponctués de cinq croches et trois silences.

Les instruments principaux du saïdi sont le rababa (instrument à cordes), le tabla (percussion) et le mizmar (flûte). Cette musique accompagne les ghawazi, ces danseuses gitanes établies dans la Haute Égypte depuis plusieurs siècles, s’établissent par petite groupe à partir des années 1930 au Caire. De ce fait, la danse des ghawazi se démocratise et s’hybride, ce qui donna par la suite la danse du ventre ou danse orientale (termes génériques attribués les occidentaux).

 

Simsimiyya (répertoire urbain de Port Said)

La musique simsimiyya répandue dans les régions du Canal de Suez et du Delta est nommée ainsi en référence à l’instrument éponyme, sorte de lyre soudano-égyptienne qui remonte à l’époque antique. Composée de cinq cordes qui sont pincées, l’instrument est soutenu par les percussions riqq, tabla et des petites cymbalettes en cuivre appelées kasat.

Ce genre musical pentatonique et modale est intiment lié à la vie portuaire de Port Said et Ismalia. Appelé Suhbagiyya (camaraderie), ce répertoire accompagne les marins dans leurs pérégrinations et maintient le morale des troupes. Il est dit qu’autrefois, tous les navires étaient dotés d’un joueur de simsimiya afin de distraire la camaraderie, il remplissait ainsi une fonction sociale préétablie. On lui attribuait même des vertus mystiques comme faire lever le vent, sans doute des réminiscences de croyances païennes qui ont subsisté jusqu’à un passé assez proche.

De nos jours, le répertoire quitte sa sphère pour devenir une musique folklorique des cafés. « C’est parce qu’il existe des troupes folkloriques que le folklore est mort », argue Zakaria Ibrahim, lead vocal de l’Ensemble al Tanburah.

Ensemble al Tanburah - Friends of Bambouty

 

Shaabi (Le Caire)

Musique populaire née dans les pôles urbains cairotes dans les années 20’ le shaabi, appelé aussi néo mawal (car très proche dans sa construction du registre populaire du mawal rural). Le shaabi se revendique de cette école tout en se détachant de ses formes figées. Le genre compte plusieurs précurseurs comme Sayedd Darwich mais c’est grâce à Ahmed Adawiyya que le style émerge et sera vite adopté par les classes populaires au début des années 70.

En plus des instruments traditionnels, le shaabi intègre des instruments modernes occidentaux comme la trompette et l’accordéon et combine des modes orientaux, rythmes occidentaux et pentatoniques nubiens, cristallisant ainsi la complexité du tissu social de la capitale. Il est vite adopté comme musique populaire nationale.

 

La musique nubienne (Assouan)

La Nubie est une région le long du Nil qui comprend la zone située entre Assouan dans le Sud de l’Égypte et le Soudan. Elle a abrité l’une des premières civilisations de l’Afrique ancienne, datant d’au moins 2500 ans avant J.C. La musique nubienne est marquée par l’usage pentatonique et compte plusieurs sous-genres comme l’Aragide, un registre accompagné d’une danse imitant les douces vagues du Nil ou encore les mouvements lents des feuilles du palmier.

Pour se diffuser, la musique nubienne compte des textes en égyptien (langue véhiculaire avec un substrat arabe) et également des textes en arabe classique mais les nubiens demeurent très ancrées dans leur africanité, ils sont, aux coté des siwi et coptes, l’un des rare groupe ethnique égyptien à parler encore leur langue maternelle vernaculaire africaine.

La musique nubienne jalonne tous les aspects de la vie des cette population qui a souffert de déportation et de marginalisation, elle les accompagne dans la joie et le deuil. Elle fixe, en ce sens, l’imaginaire collectif inhérent aux Nubiens et demeure l’un des domaines les plus visibles et les plus entraînants de l’art nubien.

Coke Studio Raw

 

Cet article a été écrit pour Music In Africa et re-publié par #AuxSons dans le cadre d’un partenariat média

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Édité par Lamine BA

 

 

Leila Assas

Journaliste culturelle et critique musique, Leila Assas débute sa carrière dans les métiers de l’écriture et l’édition en marge de celui d'enseignante qu'elle a exercé de 2011 á 2019. Elle collabore avec divers revues culturelles algeriennes et médias internationaux tel que Clam Mag, 15-38 Méditerranée, Pan African Music, No'oculture Mag et plus récemment Music in Africa Fondation en tant que journaliste freelance permanente.

Passionnée de l'ethnomusicologie, elle collabore régulièrement, en tant que consultante et/ou chargée de production avec divers projets culturels en Algérie.

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