À la faveur de la sortie de son dernier album Vestido De Amor le 23 septembre, l’artiste brésilien Chico César partage la cartographie de ses coups de cœur nordestins et africains :
1. Luiz Gonzaga - Asa Branca
« Luiz Gonzaga, né à Exu (dans l’état du Pernambuco), est la plus grande icône de ma musique nordestine. Habillé avec les costumes des gardiens de vaches ou cangaçeiros (bandits du Nordeste), à l’époque des années 40, il a formaté la musique de cette région et l’a amenée dans le reste du pays, et même dans le monde entier. Il chantait les difficultés et les joies de son peuple, des fleuves, des oiseaux et des arbres de la région, il est devenu le patriarche de l’esthétique nordestine. Ce n’est pas par hasard qu’il est acclamé par notre peuple comme le ”Roi du Baião”, le rythme qui l’a propulsé conjointement avec Humberto Teixeira – son partenaire sur cette chanson (‘’Asa Branca’’) et beaucoup d’autres. Cette chanson parle de la migration forcée des Nordestins au Sud-Ouest du pays (la région la plus industrialisée), causée par la sécheresse et la concentration des terres au Nordeste par les grands propriétaires. » Chico César
2. Jackson Do Pandeiro - Chiclete com Banana
« Jackson do Pandeiro, né à Alagoa Grande (dans l’État du Paraíba), est considéré comme le ‘’Roi du Rythme’’. Il a fait de la syncope du rythme Coco mélangé avec la samba, sa marque de fabrique. C’est un universaliste, fermement ancré dans sa culture. Cette musique, collaboration de Gordurinho avec Almira Castilho, représente justement son esprit. » Chico César
3. Banda de Pífanos de Caruaru - Pipoca Moderna
« Le groupe Pífanos de Caruraru avec ses tambours de cordes et ses incroyables duos de flûtes rustiques en bambou, a une sonorité unique associée aux fêtes religieuses ou profanes de l’intérieur du Nordeste. Créé par les frères Biano, dirigé par Sebastião aujourd’hui centenaire, le groupe a influencé Gilberto Gil dans les années 60 le conduisant à proposer à Caetano Veloso la création du mouvement tropicaliste. Le même Caetano a ensuite mis des paroles sur le titre ‘’Pipoca Moderna’’. » Chico César
(titre disponible uniquement sur Youtube et Youtube Music, remplacé par un autre morceau du même groupe sur Deezer et Spotify - ndlr)
4. Marinês - Meu Cariri
« Marinês, connue comme la ‘’Reine du Xaxado’’, est par excellence la voix féminine de la musique du Nordeste qui a surgi à une époque où la plupart des interprètes se dédiaient plutôt aux boléros et aux chants de sambas. Née dans l’État du Pernambuco mais élevée dans celui de la Paraíba, où elle a commencé à développer sa carrière, elle a gagné sa place de femme dans la musique qui émerge du Nordeste à partir des années 1950. ‘’Meu Cariri’’, du Paraibano Rosil Cavalcanti, est un exemple de la force de son chant aussi fort que vrai. » Chico César
5. Elba Ramalho - Baile de Mascaras
« Elba Ramalho, chanteuse de l’État de la Paraíba née à Conceição do Piancó, est une héritière directe de Marinês et son chant est précis et aigu. Elle fait partie de la génération du Nordeste qui renouvelle la scène musicale brésilienne dans la seconde moitié des années 1970 dans un mélange de psychédélisme et de régionalisme, avec une chanson basée sur des textes forts et défiant la censure imposée par la dictature militaire en vigueur.
‘’Baile de Máscaras’’, de Pedro Osmar également de la Paraíba, montre bien que ce l’on appelle la MPB (musique populaire brésilienne) s’est également renouvelée et principalement loin de l’axe Rio-São Paulo, et de là a ramené ses influences. Et cela a résonné dans tout le pays. Pedro Osmar est un homme d’avant-garde et d’expérimentation esthétique dans la poésie, la musique et les arts visuels, étant un artiste fondamental dans la formation de la génération qui émergera dans les années 90 à Paraíba, Pernambuco et Rio Grande do Norte. » Chico César
6. Zé Ramalho - Avohai
« Zé Ramalho a émergé sous le nom de Zé Ramalho da Paraíba, accolant le nom de son État d’origine à son nom d’artiste dans ses collaborations avec des artistes du Pernambuco comme Alceu Valença et Lula Cortes. Né dans l’arrière-pays de l’Etat de la Paraíba à Brejo do Cruz, il apporte dans son travail une forte influence de la musique universelle de Bob Dylan mélangée à la présence des chanteurs et improvisateurs typiques du nordeste: les ‘’repentistas’’. Dans ses paroles mystérieuses pleines d’allusions hallucinogènes, on trouve l’héritage de Zé Limeira, poète de l’absurde. Le titre même de cette chanson, ‘’Avohai’’, est un mot inventé de la jonction de ‘’Avo (grand-père)’’ et ‘’pai (père)’’. » Chico César
7. Escurinho - Usura
« Escurinho est né sous le nom Jonas Epifânio dos Santos Neto à Bom Nome, une petite ville de l’État du Pernambuco à côté de la Serra Talhada. Mais il a été élevé à Catolé do Rocha, la ville où je suis également né, dans la Paraíba. Nous nous sommes connus enfants encore à l’école, à la pré-adolescence.
Adolescents, nous avons monté ensemble le groupe Ferradura et avec lequel nous avons voyagé dans la Paraíba jusque dans les États voisins du Ceará et du Rio Grande do Norte. Escurinho apporte l’esprit du rock and roll et l’âme tellurique de la culture populaire, avec un ton fort de critique sociale et de contestation. ‘’Usura’’ est une bonne porte d’entrée dans sa musique. » Chico César
8. Cátia de França - Kukukaya
« Femme afro-indigène, accompagnant d’un style de guitare particulier ses compositions très riches en poésie, Catia de França fait partie de la ligne de front de la musique du Nordeste qui s’est fait une place dans la musique brésilienne dans la seconde moitié des années 70. Elle a influencé les nouvelles générations qui s’intéressent de plus en plus à son travail. ‘’Kukukaia’’ est la démonstration inégalable que ceux qui écoutent son travail ne pourront plus se passer de le faire, attirés par le mystère de la beauté de la combinaison de la musique, de la littérature et de la vie. » Chico César
9. Salif Keita - África
« Salif Keita m’a montré qu’il est possible de naître au milieu de la brousse et, même ainsi, d’amener la musique de cet endroit éloigné des grands centres urbains et de le faire d’une manière puissante et pop. Avant de connaître son travail, je m’accompagnais uniquement à la guitare avec, tout au plus, des percussions. La force pop de sa musique m’a incité à rechercher cette force dans mon propre travail. C’est pourquoi je chante dans ma chanson ‘’Primeira Vista’’ : ‘’Quand j’ai entendu Salif Keita j’ai dansé.’’ » Chico César
10. Ray Lema - Atan’dele
« Ray Lema est comme un frère pour moi, il est la présence la plus proche de l’Afrique dans ma vie. Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes reconnus dans notre recherche respective de faire notre musique afro-diasporique, dans sa genèse inévitable, mais dont nous sommes les auteurs. Une musique qui apporte et reflète nos subjectivités.
Ce Maestro, pianiste, arrangeur et compositeur né au Congo, représente pour moi la négation des clichés. Africain par essence mais très particulier dans son expression. Il renforce mes convictions en tant qu’artiste afro-brésilien et me montre la proximité de la musique du Nordeste avec les matrices africaines, me désignant Luiz Gonzaga comme le ‘’plus africain des artistes brésiliens’’ ou le forró comme branche naturelle de la rumba congolaise. Merci, Ray. » Chico César
Retrouvez Chico César en concert le 13 octobre à Marseille (Espace Julien) et le 14 octobre à Paris au Café de la Danse !