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Ravannes, sega tipik - © Philippe de Magnée
Ravannes, sega tipik - - © Philippe de Magnée

La diversité musicale de l’île Maurice

L’Île Maurice, à l’origine déserte, a été peuplée au milieu des années 1600 par les Hollandais, puis par les Français et les Anglais pour enfin devenir indépendante en 1968, puis une république en 1992. Sa musique est donc le fruit et la fusion des différents apports des habitants de l’île. D’abord les colons, ensuite les esclaves, puis les travailleurs immigrés. Panorama des principaux mouvements musicaux présents sur l’île.

  • Le séga typique « sega tipik » en créole mauricien

Le séga typique est une musique et une danse issue de la période de l’esclavage à l’île Maurice, elle est encore pratiquée de nos jours par quelques groupes dont « L’Asosiasion Pratikan Sega Tipik » mais aussi par beaucoup de Mauriciens qui se retrouvent souvent le week-end sur les plages lors de « pik-nik ». Cette musique représente la lutte des esclaves noirs venus d’Afrique de l’Est et de Madagascar pendant la période coloniale à partir du 17ème siècle et jusqu’en 1835, date de l’abolition de l’esclavage à Maurice par les Anglais. Les esclaves se réunissaient le soir, après une dure journée de labeur dans les champs de canne, pour chanter et danser. La soirée commençait par de lancinants « appels » par les tambours (appelés « Ravanne ») afin de prévenir les villages voisins qu’une soirée se préparait. Cette musique n’était pas écrite et se transmettait oralement. Les premières traces sonores enregistrées de ces ségas typiques l’ont été par Ti Frere dans les années ’60 puis Nelsir Ventre, Michel Legris, Fanfan et Zenfan ti Rivière fin des années ’70 et début des années ’80. Viennent ensuite dans les années ’90 et 2000 des groupes et des chanteurs·euses comme Georges Armelle, Ravannes sans frontières, Menwar, Sylvio Louise, Mario Justin, Nancy Desrougères, Daniella Residu et plus récemment Le Groupe ABAIM. On retrouve aussi des variantes de ce séga à l’Île Rodrigues (Séga tambour) conservant la même rythmique mais beaucoup plus rapide avec des artistes comme Francis Prosper, Macdonald Farla et La troupe de l’Union, entre autres, et dans l’Archipel des Chagos avec des artistes comme Charlesia Alexi et le Groupe Tambour Chagos. Aux Seychelles le même style musical s’appelle « le Moutia ».

Une playlist de « sega tipik » est à retrouver sur le site du « Patrimoine Musical de l’Océan Indien »http://​filoumoris​.com/​p​l​a​y​l​i​s​t​-​s​e​g​a​-​t​i​p​ik/ 

 

  • Le seggae

Dès la fin des années ’80 une communauté « Rasta » de Chamarel commence à tester un mélange entre le séga et le reggae jamaïcain popularisé par Bob Marley et c’est en 1989 que Kaya (Réginald Topize de son vrai nom) et le groupe Racinetatane inventent  le seggae et enregistrent à l’île de la Réunion leur première K7 Seggae Nu Lamizik.

Zafer Kaya - un film de Michel Vuillermet

 

D’autres artistes et groupes prendront le relais comme Ras Natty Baby, Ras Nininn, Racine Seggae, Julien et les Vautours, Gérard Bacorilall, Berger Agathe et beaucoup d’autres. Ce genre musical est toujours pratiqué actuellement à Maurice avec des groupes comme The Prophecy et Anonym.

 

  • Les chansons engagées

À la fin des années ’70, un mouvement social et politique revendique le pouvoir tenu par le Parti Travailliste depuis l’indépendance de l’île en 1968. Ces revendications sont chantées souvent dans des meeting électoraux à partir de 1977 puis sont enregistrées sur le nouveau support en vogue dans les îles à cette époque : la Musicassette (K7). La K7 Krapo Kriye de Grup Latanier sortie en 1981 servira de support à l’opposition pendant toute la campagne électorale. Ceux-ci remporteront une victoire historique en 1982.

Grup Latanier - Krapo Kriye

 

Parmi les artistes de cette période dite « des années de braise » on comptait Siven Chinien, Le Group Kiltirel Soley Rouz, Bam Cuttayen, le Grup Latanier avec les deux frères Ram et Nitish Joganah, Zul Ramiah, le Grup Kiltirel IDP, Micheline Virahsawmy, Bruno Mooken, et le Grup Zanfan Dodo.

Retrouvez une playlist de 17 chansons engagées sur le site filoumoris​.com.

 

  • La chanson en bhojpuri

Le bhojpuri est une langue indienne encore parlée par 50 millions de personnes dans le monde qui est restée très présente à l’île Maurice depuis l’arrivée des « Engagés », des travailleurs immigrés venus d’Inde pour remplacer les esclaves libérés à la fin du 19ème siècle. Ceux-ci se sont installés à Maurice avec un contrat de travail mais se plaisant bien, ils sont restés et représentent actuellement la plus grosse communauté ethnique de l’île. Ils ont gardés leurs traditions religieuses et culturelles et chantent ces fameuses chansons en bohjpuri (Geet Gawai) principalement lors des cérémonies de mariage. En voici un bel exemple :

Les groupes les plus célèbres sont les Bhojpuri Bajabaje Boys, Beejamund Shobhey and Bissoon Narain, Rambha Ramtohul et les Gowry Brothers.

Retrouvez aussi une playlist de chansons en bhojpuri.

 

  • Dancehall, ragga, hip-hop

Au début des années ’90 des artistes lancent un nouveau mouvement qui regroupera des style parfois différents mais toujours liés par un discours social revendicatif, des textes forts et engagés socialement. Ce sont Negro Pou La Vi, Monaster, Ottentik Street Brothers (OSB), Gangsta Beach, SBRZ Crew et bien d’autres… Retrouvez-les dans ces deux playlist :

 

Ces cinq genres musicaux sont les plus importants, mais il y en a bien d’autres : les Romances, chantées principalement en français, parfois en créole. L’électro-séga est un mélange de musique électronique et d’instruments traditionnels. Et pour finir le séga « électrifié » contemporain que l’on retrouve à longueur de journées dans les radios et dans les hit-parades de fin d’année. Malgré une production assez importante, leur intérêt est pourtant limité étant donné que leurs rythmes sont souvent identiques, leurs orchestrations assez pauvres et leurs textes souvent minimalistes : « Mo kontan toi, to kontan mwa, a nou al dans sega » (je t’aime, tu m’aimes, allons danser le séga) !

 

 

 

Philippe de Magnée

Philippe De Magnée

Philippe « Filou » de Magnée est un ingénieur du son Belge qui a travaillé à l’Ile Maurice depuis les années 70, avec entre autres, Zenfan Ti Riviere , Bam Cuttayen, le Grup Latanier, Ram et Nitish Joganah, Zul Ramiah, ABAIM, Etae, le Group Kiltirel IDP, Fanfan, Daniella Bastien, Marclaine Antoine,
Nelzir Ventre, Michel Legris et Charlesia Alexis.

Il a également enregistré à la Réunion avec Ziskakan, Baster, Zoon, Fanal, Fun in the Sun, La Famille Gado, et aussi à Rodrigues avec La Troupe de l’Union et aux Seychelles avec Ton Pat.

Depuis quelques années il se consacre principalement aux enregistrements du Group ABAIM et à des enregistrements de Sega Tipik (ABAIM, Michel Legris, Group Tanbour Chagos, Asosiasion Pratikan Sega Tipik). En décembre 2017 il crée filoumoris.com, un site ayant pour vocation la sauvegarde du patrimoine musical enregistré de l’Océan Indien.

Filoumoris.com met en écoute et à la portée de tous, de la musique et des chansons inédites ou « disparues » des circuits commerciaux d’artistes de l’Océan Indien (Ile Maurice, Ile de la Réunion, Ile Rodrigues, Archipel des Chagos, Iles Seychelles et Archipel des Comores). Ces morceaux proviennent principalement de collectages et de sauvegardes réalisés dans l’Océan Indien par l’ingénieur du son belge Philippe « Filou » de Magnée entre 1979 et 2019. On y trouve aussi des albums récents d’artistes de l’Océan Indiens distribués sur les plateformes numériques et des très vieux 78 tours et 45 tours de séga de l’Océan Indien.

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