La Libye jouit d’une grande diversité culturelle, de ce fait, ces musiques traditionnelles sont l’expression de cette grande richesse. Segmentées en fonction des épicentres citadins, des spécificités ethniques (amazigh, arabe, toubou) ou encore des influences antiques, ces musiques traduisent la complexité des substrats séculaires du pays. Cet article a pour ambition de lever le voile sur un pays qui a demeuré si longtemps hermétique.
Merksawi (région oasienne du Mourzouq)
Le répertoire Merksawi prend racine dans l’oasis de Mourzouq au Sud Ouest de la Libye. Véritable carrefour ethnique et culturel, l’oasis abrite des populations diverses comme les toubou, les arabes, les amazigh touaregs et ahali (descendants d’anciens esclaves subsahariens) Ainsi, le Merksawi cristallise toutes ces cultures et se veut sa synthèse et son amalgame.
Calqué sur une métrique arabe, le merksawi débute avec un mawal (prélude) et se poursuit en combinant plusieurs instruments de musique, comme la ghaita et zemara (instruments à vent), mais aussi la derbouka, taghanimt et le bendir (percussions). Cette musique populaire est très appréciée lors des mariages et célébrations populaires.
Puis, le Merksawi quitte son oasis pour migrer vers Benghazi où il devient très populaire.
Répertoire Keleli (des Toubou)
Le répertoire Keleli est centré sur l’instrument de prédilection (du même nom), emblème des Toubou, ce peuple agropastoral appartenant à la famille nilo-saharienne qui sont surnommés « ceux qui jouent du keleli » : c’est dire le l’importance de ce luth Toubou au sein de la cosmogonie de cette communauté dont la musique est vécue comme un vecteur identitaire.
Même si le jeu du keleli est nettement distinct de ses homologues maures et touaregs, son imaginaire reste néanmoins ancré dans l’espace saharien. Originellement instrumental et obéissant à des conditions sociales rigoureuses, cette musique a muté pour aboutir à un style nouveau mêlant plusieurs registres musicaux toubou où l’on chante l’amour, l’absence, les rixes et les gestes des conquérants et seigneurs.
Maalouf de Tripoli
Le Maalouf est un sous genre de la musique andalouse, survivance et héritage multiséculaire morisque de la péninsule Ibérique musulmane et dont la tradition a perduré après la chute de l’Andalousie (XVe siècle) avec l’arrivée des réfugiés morisques dans les centres citadins de l’Afrique du Nord et dont la ville de Tripoli demeure l’un des foyers.
Ce sous genre andalou est présent également en Tunisie et dans le Constantinois (l’Est algérien) mais il existe très peu de données comparatives sur les points divergents et convergents de ce style dans ces trois pays.
Considérée comme la musique la plus savante de la Libye, le Maalouf est resté longtemps limité au registre religieux. Il faut attendre 1964 pour assister à la formation du premier ensemble grâce à l’initiative de l’académicien, musicien et musicologue Hassan Uraibi redonnant ainsi à ce genre musical ses lettres de noblesses et son caractère savant.
Ghenawi Rha
Littéralement, « les chants de la meule », en référence à l’usage de la meule comme musique de fond, autrefois, seul instrument qui accompagne la voix de la soliste. Ce genre musical populaire est lié à Al Bayda, une des plus importantes et antiques villes de la région du Cyrénaïque.
Nombreuses chanteuses se sont distinguées dans ce registre dont l’artiste Mariam Elssafi. La jeune artiste propulsa le genre á l’échelle national tout en préservant le répertoire et introduisant des instruments de musique tel que le luth ou encore le violon.
Zokra (musique bédouine)
Cet art est lié principalement aux populations bédouines du sud du pays et demeure une des musiques traditionnelles les plus identitaires de la Libye. La Zokra est une cornemuse, appelée dans certaines régions ghaita, terme qui renvoie également en Afrique du Nord à une sorte de hautbois analogue à la zurna en Turquie.
Nous retrouvons également ce genre dans l’Oasis du Ghat, au Sud Ouest de la Libye où il est pratiqué par les populations touareg lors des mariages et célébrations communautaires. Fait singulier étant donné qu’il ne s’agit pas d’un instrument associé aux touareg. Il existe très peu de travaux sur ce genre à l’exception des enquêtes de l’ethnomusicologue et spécialiste des musiques sahariennes qui récolta plusieurs chants populaires du Sud libyen entre les années 70’ et 90’.
Srewa (région du Fezzan)
Le Srewa ou Sreva est un répertoire oasien, ce sont des chants qui accompagnent le labeur des femmes oasiennes touareg constituent un des fondements majeurs de l’imaginaire collectif des oasis du Sud libyen. Les chants et répertoires liés à l’activité agropastorale est une pratique que nous retrouvons dans plusieurs pays et populations saharo-saheliennes. Chaque région conserve sont imaginaire, ses codes et rythmes autotélique tout en obéissant à la même logique et dialectique : rendre le travail de la terre plus plaisant.
Le Srewa, joué au tazmart (flûte á 4 trous), est souvent accompagné de danses collectives. On y distingue le sous genre Tamalak-oeit, un répertoire dont les protagonistes sont les enfants.
En 1999, les travaux de collecte du musicien libyen Mebarki Rhamy Mohamed ont donné naissance au disque Chants des Oasis (12 STEP RECORDS).
Références :
https://tieob.com/archives/58453(link is external)
https://journals.openedition.org/africanistes/186(link is external)
Cet article a été écrit pour Music In Africa et re-publié par #AuxSons dans le cadre d’un partenariat média.
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