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Rodrigo Cuevas@lacostastudio
Rodrigo Cuevas@lacostastudio -

Traditions musicales et Communauté LGBTQ+ #1 Europe

Les musicien.ne.s LGBTQ+ (Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender, Queer) apportent une visibilité, un soutien et une fierté à leurs communautés. Ils aident des individus à se sentir moins seuls et sont des portes paroles des discriminations auxquelles ils font face. Présents depuis longtemps dans des musiques devenues mainstream, ils sont aussi actifs dans les musiques d’origines traditionnelles et font avancer la société.

Souvent la musique exprime une affirmation d’identité individuelle ou communautaire et porte des revendications pour faire admettre une altérité comme partie intégrante de la société, de l’humanité.

En France, avant de pouvoir être revendiquée, l’orientation sexuelle d’artistes non alignés sur le désir hétérosexuel, fut d’abord suggérée par le seul biais spectaculaire. Certaines ambiguïtés dans les costumes, textes, intonations ou attitudes qui tranchaient avec les codes de la virilité ou de la féminité en vigueur à l’époque, de chanteur.euse.s, tel.le.s Felix Mayol (1872-1941), Damia (1889-1978) ou Susy Solidor (1900-1983) pouvaient faire sourire, agacer le spectateur lambda ou être comprises comme signes de reconnaissance par leurs pairs. Mais jusqu’à la fin des années 1960, aucune revendication d’appartenance claire ne pouvait se faire sans risquer de problèmes judiciaires ou la désaffection du public et des médias. La société était en effet empreinte de préjugés et hostile à l’égard des personnes homosexuelles ; on dirait aujourd’hui qu’elle était ‘’homophobe’’, même si ce terme n’est apparu qu’au courant des années 1970.

Dans l’Angleterre des années 70, des musiciens, tels David Bowie ou Elton John, déclarent publiquement des orientations homosexuelles ou bisexuelles, ce qui permet à beaucoup d’homosexuel.le.s de se sentir moins seul.e.s et inspire d’autres artistes à revendiquer leurs singularités, le terme “coming out“ fait son apparition. Dans les années 80 des chansons à succès expriment les discriminations auxquelles les homosexuel.les font face comme Do You Really Want to Hurt Me de Boy George, Smalltown Boy de Bronski Beat ou l’hymne Glad To Be Gay du Tom Robinson Band). Aux Etats-Unis, des artistes trans comme Wayne County, célébrité de la scène punk new yorkaise, devenue Jayne ou Walter Carlos, renommée Wendy après son immense succès d’adaptation de Bach en version électronique Switched on Bach, ont conservé leur public après leurs changements de genre. Ces musiciens font partie des pionniers qui ont fait évoluer la société sur ces causes.

Dans les années 90 des termes et des concepts plus inclusifs et respectueux comme ‘’LGBTQ’’, ou ‘’transgenre’’ apparaissent. Aujourd’hui l’homophobie ou la transphobie sont toujours présentes mais les musiciens LGBTQ+ les combattent, ils ne se cachent plus, revendiquent haut et fort leur identité et leur liberté d’en jouir.

Dans les musiques traditionnelles, les artistes LGBTQ+ rencontrent des discriminations plus ou moins complexes selon les territoires dans lesquels ils évoluent.

Sur notre continent, c’est étonnamment à travers l’Eurovision, ancestral et souvent kitsch concours de la chanson, que de nombreux.ses interprètes LGBTQ+ ont pu acquérir une grande visibilité médiatique. En 1998, Dana International, artiste transgenre israélienne, remporte la compétition en 1998, comme Conchita Wurst, qui y triomphe en 2014. Ces artistes évoluent dans un registre europop tout comme Bilal Hassani, auteur, compositeur et chanteur queer, qui y représente la France en 2019. La même année, Conan Osiris représente le Portugal avec une esthétique musicale ouverte sur le monde, mais échoue en demie finale.

 

Figure populaire aux chorégraphies, costumes et maquillages extravagants, Conan Osiris propose une pop qui brasse des influences multiculturelles où scansions rap, rythmes kuduro et kizomba angolais font bon ménage avec un chant dans lequel on ne peut nier les traces de fado. Ses textes manient l’humour ou le non sens, évoquent aussi bien sa passion pour les gâteaux, la cellulite, son téléphone cassé que la réaction outragée des catholiques portugais à la légalisation du mariage gay en 2010. Sans avoir publiquement affirmé lui-même son orientation sexuelle, Conan Osiris milite pour la reconnaissance des communautés LGBTQ+ et s’entoure d’artistes gay et trans, pour lesquels il est devenu une icone dans son pays.

 

Encore plus clairement lié au chant de l’âme portugaise, le duo Fado Bicha en explose les codes. Le nom du groupe, qu’on pourrait traduire du portugais par ‘’Fado Folle’’,  est évocateur : ‘’Bicha’’ est une insulte utilisée dans les pays lusophones vis-à-vis des hommes gays dits efféminés, insulte que les membres du groupe se réapproprient par retournement du stigmate. João Caçador, blouson clouté et orné de roses de tissus et pantalon léopard, a troqué la guitare portugaise contre une électrique ou un clavier électronique. Au chant, Tiago Lila, via son alter-ego Lila Fadista, barbu, maquillé de couleurs vives, en talons aiguilles et robe ou manteau de cuir rose, chante des textes originaux ou des classiques de fado réécrits qui attirent l’attention sur les problèmes de racisme, de sexisme et d’homophobie au Portugal.

Élu en 2019, destination la plus gay friendly de la planète au même titre que la Suède ou le Canada, le Portugal va accueillir du premier au 3 juillet 2022 à Porto la première édition du LGBT+ Music Festival. 

Božo Vrećo ft Vasil Hadžimanov - Ko Li Noćas Miluje Ti Kosu

 

En Bosnie, c’est une autre affaire ! Si l’homosexualité n’y est plus pénalisée depuis 1998 en Bosnie-Herzégovine et 2000 en République serbe de Bosnie, la communauté LGBTQ+ ne trouve aucun lieu de rassemblement officiel. Fondée, en 2002 l’organisation non-gouvernementale pour la défense des droits des personnes LGBTQ, avait mis en place le Queer Sarajevo Festival en 2008, qui du s’arrêter après une seule journée sur quatre prévues, après que des groupes homophobes aient agressé des participants.

Malgré ce contexte le chanteur Bozo Vreco s’est fièrement emparé du répertoire de la sevdalinka en arborant barbe, tatouages et robes. Son interprétation profonde et sensible de cette tradition de chant nostalgique et souvent dramatique, que partageaient musulmans, catholiques ou orthodoxes, est aussi révolutionnaire. Bozo Vreco y apporte des modifications stylistiques et de nouveaux textes, ce que peu ont osé depuis longtemps. En s’appuyant sur le message unificateur de la sevdalinka, il y ajoute les questions de genres.

Car cet auteur, compositeur interprète mais aussi écrivain, assume sa fluidité de genre et l’exprime à travers chaque facette de son travail.

 

En Espagne, Rodrigo Cuevas base son expression musicale en injectant sonorités et technologies du 21e siècle aux musiques de sa région des Asturies ou de Galice. Il se produit vêtu de robes traditionnelles et sa non binarité est parfaitement assumée.

Attiré par les garçons, il n’a d’abord pas compris son orientation sexuelle. : « Petit, je confondais l’admiration et l’attraction et je n’avais aucune référence pour réaliser que j’étais homosexuel. Je pensais que ça n’arrivait qu’à New York où il devait y en avoir deux ou trois, éventuellement autant à Madrid, mais que ce n’était pas possible aux Asturies. » En grandissant, il a fini par l’assumer: « Avant d’en parler je l’ai mis en pratique, je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup mon meilleur ami et que j’étais moins à l’aise avec les femmes. J’ai eu le courage de le dire à ma mère en 2005, lorsque le mariage homosexuel est devenu possible en Espagne. Il y avait une grande ouverture d’esprit et l’on en parlait beaucoup et elle a bien réagi. »

 Rodrigo Cuevas se défend d’être militant LGBTQ+, sans doute parce que son quotidien ne lui pose aucun souci : « On imagine que les personnes qui vivent à la campagne sont très conservatrices, mais ce n’est pas vrai. Je vis dans un hameau de 13 personnes et je n’ai aucun problème avec mon allure où ma sexualité. » Il sent cependant, que les temps se durcissent: « Aujourd’hui nous sommes à un moment de marche arrière avec les extrémistes qui rentrent dans tous les gouvernements et remettent en cause des sujets sur lesquels il ne devrait pas y avoir de débats. Ils prennent des positions assez strictes alors qu’il faut juste les accepter. Je pense que dans les zones rurales en Espagne, il y a beaucoup moins d’agressivité et d’opposition que ce que l’on peut rencontrer dans les villes. »

 

 

 

benjamin MiNiMuM

 

Benjamin MiNiMuM © Ida Wa
Benjamin MiNiMuM © Ida Wa

Benjamin MiNiMuM a été le rédacteur en chef de Mondomix, à la fois plateforme internet et magazine papier qui a animé la communauté des musiques du Monde de 1998 à 2014. Il est depuis resté attentif à l’évolution de la vie musicale et des enjeux de la diversité, tout en travaillant sur différents projets journalistiques et artistiques. Il a rejoint l’équipe rédactionnelle de #AuxSons en avril 2020.

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