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© Fally Ipupa -

RD Congo : Pourquoi le Stade des Martyrs est si convoité par les artistes ?

Le Stade des Martyrs de la Pentecôte à Kinshasa, capitale de la RD Congo, est un lieu emblématique pour les musiciens congolais. Prestigieux et chargé d’histoire, il représente le summum de la réussite artistique et le rêve de la plupart des musiciens congolais.

Paradoxalement, ce stade très convoité, représente une page noire de l’histoire de la RD Congo. Inauguré en 1994 sous la dénomination du Stade Kamanyola, le stade est rebaptisé en 1997 en mémoire de quatre ministres pendus sur le site le 2 juin 1966, par Mobutu Sese Seko, ex président de la RD Congo appelé Zaïre à l’époque.

Le changement de dénomination du pays a été un événement marquant dans son histoire, reflétant des changements politiques, sociaux ou idéologiques profonds. Pour la République Démocratique du Congo (RDC), ce changement a eu lieu non pas une, mais deux fois, témoignant des tumultes et des aspirations de la nation.

À l’origine, connu sous le nom de République du Congo après son indépendance de la Belgique le 30 juin 1960, le pays a été rapidement confronté à des conflits internes menaçant son unité. Le coup d’État de 1965 a vu l’ascension de Joseph-Désiré Mobutu, qui a instauré un régime de parti unique et s’est autoproclamé chef de l’État.

En 1971, dans le cadre de sa campagne de « Recours à l’authenticité », Mobutu a renommé le pays en « Zaïre ». Cette décision visait à effacer les vestiges du colonialisme et à forger une nouvelle identité nationale. C’est durant cette période, plus précisément le 1er juin 1966, que le stade Kamanyola fut le théâtre d’un événement tragique et marquant : la pendaison publique de quatre hommes politiques sur ordre du président Joseph-Désiré Mobutu. Ils furent accusés de complot contre les institutions de l’État, un crime qui, selon le régime de Mobutu, méritait la peine capitale. C’est cet événement qui lui a valu plus tard l’appellation de Stade des Martyrs.

Le règne de Mobutu a pris fin en 1997, lorsque Laurent-Désiré Kabila a pris le pouvoir après une longue marche depuis l’est du pays. L’un de ses premiers actes a été de restaurer le nom original du pays, la République Démocratique du Congo, dans un geste symbolique visant à marquer une rupture avec le passé et à commencer un nouveau chapitre de l’histoire congolaise.

En 1997, King Kester fut le premier artiste à s’y produire. Au fil des années, plusieurs autres artistes tels que Werrason, JB Mpiana et bien d’autres y ont également donné des spectacles. Pendant plusieurs années de 2004 à 2021, le stade n’a pas connu de concert majeurs, cette période étant considérée comme une période transitoire entre une ancienne et une nouvelle génération d’artistes en RD Congo. Les longues fermetures pour raison de réhabilitation ont également été un facteur qui a influencé la baisse du nombre de concerts.

En 2022, un déclic particulier se produit avec les ténors du groupe de musique Wenge Musica 4x4, à savoir JB Mpiana, Werrason, Didier Masela et Alain Makaba. Ces derniers ont annoncé un giga concert dit « concert de la réconciliation », 25 ans après leur séparation.

Après leur concert qui fut un succès, Fally Ipupa a également annoncé quelques jours après un concert au Stade des Martyrs. Cette annonce s’est répandue comme une traînée de poudre, certains y voyant une réponse « arrogante » à l’avènement précédent et d’autres comme un nouveau défi dans la carrière de l’artiste. Quoi qu’il en soit, le déferlement médiatique autour de cet événement était énorme. L’artiste saisit la balle au bond et surfe sur ce buzz pour promouvoir son événement et sa carrière.

Après ce concert, qui fut malheureusement entaché par le décès de 11 personnes et de quelques blessés, dans des bousculades aux alentours du stade, Fally Ipupa a, pour ainsi dire, ouvert la voie à d’autres artistes de sa génération. Dans les mois qui ont suivi, plusieurs annonces de chanteurs tels que Ferre Gola, Heritier Wata et Felix Wazekwa ont dominé les réseaux sociaux. Même des chanteurs gospel tels que Moise Mbiye ou encore Mike Kalambay ont rejoint cette ruée vers le Stade.

Considéré comme le détonateur de cette avalanche de spectacles dans ce lieu inédit, Fally Ipupa a encore mis la barre très haut cette année en annonçant un double concert dans ce lieu, les 10 et 11 août 2024.

Ainsi, que recherchent vraiment tous ces artistes en prestant dans ce lieu ? Voici 5 raisons pour lesquelles ce stade est si convoité par les chanteurs congolais :

 

Symbole de la réussite artistique

Le Stade des Martyrs n’est pas seulement le plus grand stade de la République Démocratique du Congo, c’est aussi un symbole de triomphe et de reconnaissance. Pour un artiste, se produire dans cette arène est la preuve qu’on a atteint un niveau de popularité et de succès qui dépasse les frontières de son quartier ou de sa ville. C’est devenu un rite de passage qui confirme son statut de star nationale, voire internationale.

 

Conquête d’un public plus large

Lors des rencontres sportives, le stade offre 80 000 places assises. Mais quand il est aménagé pour des événements tels que des concerts, il peut accueillir jusqu’à 130 000 personnes dans le cas où l’aire de jeu serait également occupée. Avec une capacité d’accueil aussi impressionnante, le Stade des Martyrs offre aux artistes l’opportunité de toucher un public vaste et diversifié. C’est une chance unique de rassembler des fans venus de tout le pays et même de l’étranger créant ainsi un moment de communion inoubliable entre l’artiste et ses admirateurs.

 

L’impact médiatique

Un concert au Stade des Martyrs est un événement médiatique majeur en RD Congo voir internationalement. En effet, les artistes bénéficient d’une couverture médiatique étendue, non seulement au niveau national mais aussi international, surtout grâce aux réseaux sociaux. Cela contribue à renforcer leur image de marque et à étendre leur notoriété.

 

La consécration des pairs

Se produire au Stade des Martyrs, c’est aussi recevoir la reconnaissance de ses pairs. C’est un honneur que seuls les meilleurs peuvent se targuer d’avoir obtenu. Les artistes qui ont réussi à remplir le stade sont vus comme des modèles de réussite par les autres musiciens.

 

La réponse à un défi personnel

Pour beaucoup d’artistes, jouer au Stade des Martyrs est un défi personnel. C’est l’occasion de prouver à eux-mêmes et au monde entier qu’ils sont capables de mobiliser des foules immenses et de livrer une performance mémorable.

 

Le manque d’infrastructures adéquates

Le stade offre des infrastructures qui permettent de mettre en place des spectacles grandioses avec des effets spéciaux et une mise en scène spectaculaire. Cela permet aux artistes de proposer des shows à la hauteur de leur talent et de leur créativité et qui peuvent, lorsqu’ils sont bien realises concurrencer avec les méga-concerts des stars internationales.

Le choix de prestation dans le stade est également dû au suite au manque flagrant de salles de spectacles qui permettent d’offrir des concerts de bonne qualité. La plus grande salle de spectacle de Kinshasa est à ce jour, l’espace Showbuzz, qui ne peut accueillir qu’environ 10 000 personnes.

Un projet de salle de spectacle dénommé Kinshasa Arena, est en cours de construction au cœur de la capitale congolaise. Il devrait offrir 20 000 places.

Le Stade des Martyrs est plus qu’un simple lieu de spectacle ; c’est un symbole de réussite, un défi personnel et logistique à relever et une plateforme qui propulse et confirme les carrières. Pour les musiciens congolais, s’y produire est un rêve, une consécration de leur art et une affirmation de leur place dans le cœur de leur public. C’est pourquoi, ils aspirent presque tous, à fouler sa pelouse et à inscrire leur nom dans l’histoire de la musique congolaise.

Cet article a été écrit pour Music In Africa et re-publié par #AuxSons dans le cadre d’un partenariat média

 

Alvin Matanda

Alvin Matanda est éditeur régional de l’Afrique Centrale basé à Lubumbashi, en RD Congo.

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