Le rap sénégalais, jadis acclamé pour sa poésie engagée et son rôle proactif dans la scène politique, semble-t-il en train de s’éloigner de son essence originale ? Ces dernières années, une série de confrontations entre les rappeurs les plus populaires du pays indique une descente vers des eaux tumultueuses.
L’actuel affrontement entre Ngaaka Blindé, à l’origine de la série Naw Let inspirée d’une vidéo virale de griots se disputant le micro lors du baptême du chanteur mbalakh Wally Seck, et Akhlou Lou Brick, qui a riposté avec un titre également emprunté à une vidéo virale de Mollah Morgun, soulève des inquiétudes quant à la trajectoire du rap sénégalais.
Un clash de basse qualité
Les amateurs de rap sénégalais ont été témoins de débats souvent tendus et irrespectueux, révélant un aspect peu flatteur de la scène musicale. Les attaques personnelles, les provocations et les règlements de compte publics sont devenus monnaie courante, reléguant la créativité et l’élévation du genre au second plan.
Des Influenceurs et des animateurs pris dans la mêlée
Il est important de noter que les influenceurs sont de plus en plus impliqués dans ces conflits, principalement parce que leurs noms sont cités et ciblés. Cette participation des influenceurs ne fait qu’amplifier la portée de ces conflits, les transformant en spectacles publics.
Un changement de rythme et d’identité
Le changement dans le style musical est également préoccupant. Le rap sénégalais, autrefois caractérisé par son rythme unique et ses paroles poignantes, semble s’éloigner de ses racines. Les influences du Mbalakh, un genre de musique sénégalaise populaire, deviennent plus prédominantes, créant un écart notable par rapport à l’essence du rap.
L’évolution du rap engagé
La scène rap sénégalaise a été saluée pour son engagement politique et social. Les artistes de la vieille école utilisaient leur musique pour soulever des questions importantes et inspirer des changements. Cependant, cette tradition semble s’estomper dans la jeune génération, concentrée davantage sur les rivalités personnelles que sur l’activisme.
Comment sortir de ce cercle vicieux ?
Cette année, Awadi, le véritable boss du rap sénégalais voire africain francophone, a sorti un opus des plus engagés, Quand on refuse on dit non qui rappelle l’écrivain Ahmadou Kourouma et son livre du même nom, abordant des thèmes sérieux et actuels de manière frontale pour éveiller les consciences. Pourtant, cela ne semble pas suffisant pour détourner les rappeurs d’aujourd’hui.
Pour ramener le rap sénégalais à sa gloire d’antan, quelques mesures sont nécessaires : les artistes doivent renouer avec l’engagement et l’activisme politique, utilisant leur art pour adresser des questions cruciales.
L’industrie musicale peut encourager la création de contenu de qualité et élever le niveau artistique.
Les médias et les influenceurs ont un rôle à jouer en promouvant la culture hip-hop et en favorisant des discussions constructives plutôt que des confrontations destructrices.
Le rap sénégalais a une histoire riche et significative, et il est temps de revenir à ses racines. Il peut retrouver sa place en tant que voix influente de la jeunesse et un moyen d’exprimer des préoccupations sociales et politiques. Espérons que les rappeurs, les influenceurs et l’industrie musicale s’uniront pour redonner au rap sénégalais son éclat perdu.
Les récentes annonces de sorties des albums de DIP, Lépp Fii Lañu Fekk, de Omzo Dollar, SSP, offriront un aperçu crucial de la trajectoire future du rap sénégalais. Cependant, rester optimiste peut être perçu comme une naïveté, car les défis persistants nécessitent une réflexion réaliste.
Cet article a été écrit pour Music In Africa et re-publié par #AuxSons dans le cadre d’un partenariat média.