L’une des plus belles voix du territoire français est algérienne. C’est celle de Sofiane Saidi, rénovateur du raï, pilier vocal des groupes hommages à Rachid Taha (l’armée Mexicaine, Le Couscous Clan) ou atout mélodique de l’électro oriental d’Acid Arab. Il nous raconte son confinement.
Est-ce que le premier confinement a favorisé votre créativité ?
« Je suis parti en Algérie tout de suite après la soirée Belek Belek (le 7 mars 2020 pour Banlieues Bleues soit une semaine avant l’annonce du premier confinement. ndlr). Je devais n’y rester que quelques jours mais je suis resté coincé quatre mois. Ça m’a permis de me reposer d’une longue tournée de 3 ans, rien qu’en 2019 j’ai comptabilisé 130 dates, ce qui ne m’a pas laissé le temps de créer de nouvelles choses. Ce confinement m’a permis de me rapprocher déjà de ma famille et j’ai commencé à composer de nouvelles chansons, à réfléchir à une musique de film que l’on m’avait proposé. Ca m’a permis de me retrouver face à une feuille blanche et de repartir vers une nouvelle aventure. »
Avez-vous participé à des événements ou des initiatives en ligne pendant cette période ?
« Début avril avec Rodolphe Burger et Mehdi Haddab on a ouvert Plumm.TV, la chaîne de Rachid Arhab avec le morceau Mademoiselle. J’étais à Sidi Bel Abbès, Rodolphe était chez lui à Sainte-Marie-aux-Mines en Alsace et Mehdi à Rennes. Après, j’ai vu beaucoup de choses en streaming : c’est bien et c’est pas bien. C’est bien parce qu’il y a beaucoup d’artistes ont été inventifs ont continué à créer, à faire des choses et à les montrer. Mais si la terre a réagi comme ça, c’est que ça méritait de faire une pause. De laisser la terre s’exprimer et de laisser le public écouter autre chose, les pas de leurs enfants, les oiseaux. Il y a un proverbe qui traduit de l’arabe dit « l’eau reprend toujours son chemin » c’est à dire que la nature exprime toujours sa raison et j’ai l’impression, du moins du côté des décideurs, que l’on a pas retenu la décision et que l’on est reparti dans plein de bêtises, de choses qui fâchent. »
Sofiane Saidi, Rodolphe Burger et Mehdi Haddab, Mademoiselle.
Comment improvisez-vous ce nouveau confinement ?
« Le lendemain de l’annonce du président, je me suis réveillé avec les jambes lourdes. J’étais un peu découragé, car tous les concerts que l’on avait réussi à maintenir ou difficilement recaler ont été annulés. Du coup les perspectives se referment. Je ne suis ni médecin, ni politicien et ne peux pas juger de la qualité de ces décisions, mais comme les cafetiers ou les restaurateurs, j’ai un peu l’impression que nous sommes un peu des laissés pour compte. Pourtant la culture est nécessaire dans la vie des gens. Ils sont confinés et affrontent l’angoisse, la frustration des maux que la culture peut un peu soulager. Pour ce second confinement je suis à Paris, heureusement j’ai un studio et du matériel et je continue à composer. En tous les cas je m’oblige à me lever le matin, à me faire un café et à travailler. Après j’ai envie de répéter une phrase que Biyouna (comédienne, danseuse et chanteuse algérienne) a prononcé « En Algérie la crise on connait, elle fait partie de la famille !» et moi aussi je suis né dans la crise et j’ai toujours appris à faire avec. On va s’adapter. Mais je ne suis pas du tout pessimiste, je pense que la musique, la culture va muter vers quelque chose de nouveau et je pense que ce sera encore plus puissant et créatif, qu’il va y avoir des albums incroyables. Certains talents vont peut être disparaître mais de nouveaux vont arriver. Il faut être très courageux aujourd’hui pour continuer à faire de la musique et comme après les deux guerres mondiales des artistes extraordinaires devraient apparaître. »
Sofiane Saidi, Ya Mimouna Dyaf Rabi avec Rozenn Le Trionnaire, Trio Sōra, Moncef Hakim Besseghir, enregistré le 5 octobre 2020 au Centre Culturel Houdremont à La Courneuve.
Découvrez la Playlist de Sofiane Saidi pour #AuxSons, parue en septembre 2019 !
#AuxSons s’associe à la campagne Sacem de soutien à la #ScèneFrançaise.