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Aziz-Sahmaoui © Thomas Dorn -

Tout est vibration !

Peur de retomber dans ce bon vieux rythme métro, boulot, dodo ? Septembre est pourtant là avec son lot de stress et de nouveaux projets. Voici un focus qui nous propose de prendre un peu de hauteur et de respiration pour mieux aborder la rentrée.

 

Il y a 35 000 ans, la musique apparaît. Dotés de quelques instruments rudimentaires, de  rhombes de bison issus de la chasse, hommes et femmes jouaient, dansaient, chantaient et tapaient du pied pour exalter leurs émotions, leurs sentiments religieux et scander des incantations censées interagir sur les phénomènes naturels qu’ils ne comprenaient guère. La musique, autrement dit les vibrations émises, était un moyen de les mener vers une transe spirituelle. Aujourd’hui, dans notre société incontestablement laïque, nous n’exaltons plus nos émotions à l’aide de notre rhombe de bison ou si peu. Mais sommes-nous si éloignés de cette ère préhistorique ? Et quels ponts existe-t-il encore de nos jours entre ce monde spirituel, du bien-être et les musiques du monde ?

 

Transe chamanique et musique du monde, même combat !

Grâce à de nombreuses techniques que nous connaissons aujourd’hui, nous pouvons passer d’un état de conscience à un autre. Des états de relaxation, de transe, d’extase et de méditation peuvent être provoqués, entre autres par des séances chamaniques ou amenés par des moines bouddhistes. En Occident, cela passe plutôt par la sophrologie, l’hypnose, la méditation de pleine conscience et bien d’autres disciplines. Le yoga du son et la musicothérapie se font également une part belle dans cet univers du bien-être.

Actuellement, certains professeurs de yoga utilisent des instruments censés vibrer à 440 mégahertz, la fréquence du corps humain. D’autres professionnels du bien-être avancent même que 432 mégahertz serait la fréquence très en vogue de “l’univers et du bonheur”. Certains artistes des musiques du monde n’ont pas tant de connaissance hertzienne mais ont pourtant bien le don de nous détendre, d’apaiser notre esprit et de nous mettre en transe.

 

Le corps, premier instrument de musique 

La musique, ce n’est rien d’autre que des lois de la physique utilisées dans différents buts.” affirme Mika de Brito, professeur de yoga enseignant sur fond de sérénade de Schubert, d’électro berlinoise ou de hang drum. Et en effet, comme l’évoque la chanteuse marocaine Oum, lorsqu’elle est sur scène, c’est en premier lieu au niveau physique que cela se passe. Des vibrations la traversent : elle est dans une autre dimension. Plus du tout dans l’intellect mais dans le ressenti, puis dans l’émotionnel. Elle et ses musiciens forment alors un “petit collectif énergétique” comme elle les nomme. Et le public voit et ressent cela.

Ainsi donc, cette cavité que l’on nomme corps fonctionne bel et bien comme un instrument de musique et il a cette extraordinaire capacité d’être à la fois émetteur et récepteur de vibrations.

 

Comment mieux vibrer avec les musiques du monde ?

Dans ces différentes pratiques - de musique ou de bien-être - plusieurs méthodes existent. L’une d’entre elle est universelle et bien connue : Elle consiste à produire un stimulus sonore répétitif s’alignant sur la fréquence des ondes que l’on cherche à atteindre. On procède alors à une sorte de “débrayage” du cerveau[1] dans lequel les sens sont saturés sur le modèle de l’hypnose. On passe ainsi de la sur-stimulation sensorielle à la perte de contrôle de soi. L’environnement extérieur disparaît au profit d’un état de conscience modifié : on entre en transe. Etat préalable à l’extase et à la méditation.

Et quoi de plus répétitif et de plus exaltant que la rumba congolaise, le maloya ou le kabar réunionnais,… pour nous mettre en transe ? Ecoutons comme la transe musicale peut être énergisante ou dite “convulsive”, lorsqu’elle est emportée par le maître du funana cap-verdien, Bitori. Notre corps se meut alors sans que nous le contrôlions :

 

 

Autre lieu, autre style plus “hypnotique”, celui du duo orientaliste technoïde des français Acid Arab :

 

 

Enfin, voici une version plus poétique - guembri (basse acoustique) et crotales (castagnettes métalliques) en prime - orchestrée par le marocain Aziz Sahmaoui accompagné de son groupe L’University of Gnawas :

 

 

Le live pour réveiller âmes et consciences 

Le live est un moment privilégié d’échange entre l’artiste et son public. Sous l’effet des vibrations, les spectateurs peuvent lâcher prise et devenir plus réceptif aux discours conscientisés du groupe produit en live. Les artistes des musiques du monde, enrichis par leur histoire engagée et sociale depuis les origines, le savent d’ailleurs bien. A l’évocation de ses pères fondateurs – Salif Keïta, Touré Kunda, Youssou N’Dour, Manu Dibango,… - divers temps forts, à la scène comme à la ville, nous reviennent en mémoire. Encore aujourd’hui, la scène offre la possibilité d’un espace-temps qui ne s’encombre pas des contingences du quotidien. Nous sommes alors bien plus dans l’Ici et maintenant, une notion chère à l’univers du bien-être[2], qu’ailleurs. En concert, difficile - bien que possible - de planifier sa journée du lendemain ou de penser à la liste de course de la semaine. Ce n’est pas Oum, ayant intitulé son dernier album, Daba – Maintenant en arabe – qui nous dira le contraire. Non plus l’icône féminine de la musique jamaïcaine, Jah9 & the dub treatment, se produisant sur les scènes du monde entier et proposant des séances « Yoga on dub » pour « élever les consciences et réveiller les âmes ».

Alors, le moral dans les chaussettes en cette rentrée chargée ? Pensons à expérimenter la musicothérapie ou le yoga du son. Et si une envie de changer de fréquence et de décompresser subsiste, mieux que la séance chez le psy ou le remède de grand-mère, n’oublions pas, le live sera toujours le meilleur moyen de nous requinquer à coup de rythme bien lancinant et saccadé.

 

[1]          Sujet développé dans Le cerveau dans tous ses états de Elena Senders, paru le 3 décembre 2016 dans le magazine Sciences et avenir accessible en ligne.

[2]          Dans l’univers du bien-être, le gimmick philosophique “Ici et maintenant” vise à inciter les individus à se concentrer sur l’instant présent. Le passé n’existant déjà plus, le futur n’ayant pas encore eu lieu, toute projection ou rumination n’ont pas lieu d’être. Vivre le moment présent, en pleine conscience, de tout notre être – corps, esprit et âmes compris - serait ce que nous avons de mieux à faire.

Eva Dréano

Eva Dréano

 

Eva Dréano est journaliste et professeure de yoga. D'abord diplômée en Anthropologie et Conduite de projets culturels, elle travaille pendant 8 ans dans la communication et l'administration de structures musicales en Afrique, à Paris et en Europe. (Dionysiac Tour, Safoul productions, Institut Français Culturel de Pointe-Noire au Congo, Le Triton, le Cabaret Sauvage, Show-me - Zurich,...)

En parallèle depuis 2013, elle rédige du contenu journalistique pour le webzine Africavivre. Durant cette période, elle approfondit sa technique rédactionnelle avec le Centre de formation des professionnels du journalisme (CFPJ). Depuis, elle rédige sur ces deux thématiques de prédilection, les musiques actuelles d'Afrique et le yoga pour des magazines sur le web (Africavivre, Pan African Music, Music in Africa) et papier (Le journal du yoga).

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