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Maryam Saleh
Maryam Saleh - © Mário Pires

Les femmes dans la musique égyptienne

Les industries musicales sont souvent le reflet de la société dans laquelle elles évoluent et, comme la société égyptienne est patriarcale et dominée par les hommes, la scène musicale égyptienne n’est pas très différente. Les normes et traditions culturelles imposent souvent des difficultés et des restrictions aux femmes qui s’aventurent dans le secteur de la musique, rendant les Égyptiennes moins visibles et moins nombreuses dans ce secteur que les hommes.

La religion officielle de l’Égypte étant l’islam, la pensée et la doctrine islamique ont une influence dominante sur les hiérarchies sociales et sur la place des femmes dans ces hiérarchies. Certains érudits islamiques estimant que la voix d’une femme ne doit pas être entendue, les femmes sont souvent découragées de poursuivre une carrière musicale, celle-ci n’étant pas considérée comme respectable.

Les femmes sont pour la plupart absentes de la scène musicale religieuse et il leur est même interdit de prononcer l’appel à la prière que l’on peut entendre résonner dans les villes égyptiennes cinq fois par jour. La censure a une relation de longue date avec l’industrie musicale en Égypte, pour des raisons politiques et religieuses. Toute musique publiée officiellement en Égypte doit faire l’objet d’un processus de validation rigoureux afin de s’assurer que les paroles n’offensent ni le régime en place ni la religion.

Les œuvres non approuvées sont interdites de sortie officielle dans les magasins de musique ou de diffusion par les stations de radio et de télévision appartenant au gouvernement. En revanche, grâce à la technologie moderne et à Internet, de plus en plus d’artistes renoncent aux sorties physiques de leur musique et se concentrent sur les sorties numériques, ce qui leur permet de contourner le processus d’obtention de licences gouvernementales pour diffuser leurs œuvres. Tous les artistes sont également tenus d’obtenir à l’avance des licences et permis de la part du Syndicat des musiciens pour les concerts.

Le processus d’autorisation du comité de censure et des licences de diffusion touche aussi bien les hommes que les femmes. Cependant, les femmes sont davantage confrontées à la censure et à la répression lorsqu’il s’agit de performances live. Le Syndicat des musiciens, dont tous les musiciens et interprètes professionnels doivent être membres, impose un code vestimentaire strict pour les femmes, qui dicte la longueur des robes ou des jupes et la profondeur de décolleté autorisée. Les artistes féminines enfreignant ce code vestimentaire risquent de se voir interdire de se produire sur scène en Égypte. Une conséquence à laquelle des chanteuses comme Sherine Abdel Wahab et Maryam Saleh ont été confrontées ayant suscité la désapprobation du syndicat.

Depuis peu, il est fréquent que des femmes du monde du spectacle soient accusées d’incitation à la débauche ou de violation des valeurs familiales et morales égyptiennes en raison du choix de leurs tenues, de leurs danses dans leurs clips musicaux ou de l’utilisation d’un langage « indécent » dans leurs chansons - certaines risquent des peines de prison, des amendes ou l’interdiction de se produire ou de travailler dans ce secteur.

Les grandes chanteuses d’Égypte - L’Âge d’or

Umm Kulthoum (1898/1904-1975) est synonyme de musique égyptienne. Elle est surnommée « l’étoile de l’Orient » et souvent appelée simplement « la femme ». Bien qu’elle soit décédée en 1975, sa musique et son héritage sont profondément ancrés dans la société égyptienne et ses chansons sont encore souvent passées dans les cafés, les restaurants, les taxis et les foyers du pays. L’histoire de Kulthoum est celle de la persévérance et de la désobéissance. D’une famille conservatrice d’un petit village du delta du Nil, son père et son frère interprétaient des chants religieux lors d’événements. Elle apprit à réciter le Coran et après avoir découvert sa voix, son père l’habillait en garçon pour la faire participer à son ensemble. Elle est ensuite devenue l’un des plus grands noms de l’Égypte et du Moyen-Orient, vendant plus de 80 millions de disques.

 

Parmi les autres noms emblématiques de la musique égyptienne, il y a Laila Mourad (1918-1995) et Fatma Ahmed Kamal Shaker (1931-2017), plus connue sous le nom de Shadia. Les deux femmes se sont fait un nom dans l’industrie cinématographique en tant qu’actrices et chanteuses, leurs films comportant souvent des interprétations de leurs chansons.

La musique égyptienne pop d’aujourd’hui

Sherine Abdel Wahab (1980) a fait son entrée sur la scène musicale égyptienne en 1998 avec un premier album en duo avec le chanteur égyptien Tamer Hosny, sous le label Free Music. Abdel Wahab a joué dans plusieurs films et a été juge dans l’émission The Voice : Ahla Sawt. Elle est actuellement l’une des chanteuses pop d’Égypte et du Moyen-Orient les plus reconnues.

 

Angham (1972), née dans la ville côtière d’Alexandrie dans une famille d’artistes, est bien connue pour ses chansons d’amour et ses textes romantiques. Elle est l’une des chanteuses égyptiennes les plus en vue sur la scène de la musique pop aujourd’hui. Les statistiques montrent qu’elle est l’artiste pop féminine qui a vendu le plus de disques en 2003 et depuis l’année 2000. Elle est diplômée du Conservatoire du Caire et travaille dans le secteur depuis les années 1980.

 

 

Les musiciennes alternatives et indépendantes en Égypte

Maryam Saleh (1986) est née dans une famille de musiciens au Caire. Elle a commencé par reprendre des chansons de Sheikh Imam, un artiste dont la musique a été interdite dans tout le pays dans les années 1960 (il a risqué la prison pour son œuvre) et qui est toujours considéré comme controversé par le régime actuel en raison de ses fortes connotations politiques et de ses discours sociaux. Saleh a expérimenté différents genres et formes d’expression et compte trois albums à son actif : Ana Mish Baghanny, Halawella en collaboration avec le producteur libanais Zeid Hamdan et l’album primé Lekhfa avec Tamer Abu Ghazaleh et Maurice Louca, ainsi qu’une variété de singles. Sa musique, considérée comme avant-gardiste, oscille entre rock et trip-hop en passant par la musique expérimentale. Avec plus d’un million d’adeptes sur Facebook, elle est sans doute la plus grande musicienne alternative d’Égypte.

 

 

 

Dina El Wedidi (1987), née et élevée à Giza, est une autre icône de la scène musicale alternative indépendante égyptienne. Participant à l’édition 2013 de The Nile Project - une collaboration musicale entre des musiciens originaires des pays du bassin du Nil - et figurant sur la liste des Next Generation Leaders (Leaders de la nouvelle génération) du magazine TIME, El Wedidi s’est forgé un nom solide en Égypte et au-delà. Mélangeant le folklore égyptien avec le jazz, le rock et les sons électroniques, elle a connu le succès aux États-Unis, notamment après sa tournée sous la houlette de l’icône brésilienne Gilberto Gil.

 

 

Des femmes qui chantent

Parmi les quelques femmes membres actives de l’industrie musicale, la majorité d’entre elles sont chanteuses. Cela ne veut pas dire que les instrumentistes femmes n’existent pas. Seulement, elles sont très rares. Quelques visites de salles de concert du Caire suffisent à étayer, bien qu’anecdotiquement, cette affirmation - où les scènes sont principalement occupées par des musiciens masculins. Immobilisant la capitale du Caire en avril 2021, « La Parade dorée » accompagnait le transfert de vingt-deux momies royales du Musée égyptien du centre de la ville au Musée national de la civilisation égyptienne. C’était l’occasion de mettre en lumière plusieurs musiciennes qui faisaient partie de l’orchestre lors de la cérémonie, notamment la percussionniste Radwa El Beheiry et la violoniste Salma Sorour.

L’industrie musicale égyptienne est généralement décrite comme défavorable aux femmes. Comme le reconnaît Claudius Boller, directeur général de Spotify pour le Moyen-Orient et l’Afrique, les femmes égyptiennes qui souhaitent faire carrière dans ce secteur ont moins d’opportunités et de soutien que les hommes.

 

Cet article a été rédigé pour Music In Africa. #AuxSons l’a traduit en français et partagé dans le cadre d’un partenariat média.

 

 

Nadya Shanab

Nadya Shanab Photo By Halasabry

Nadya Shanab est une musicenne, chanteuse et compositrice égyptienne.

Elle détient un diplôme musical BA du Liverpool Institute of Performing Arts (LIPA) et un MA en Industrie Musicale. De retour en Egypte suite à la révolution de 2011, Shanab sort en indépendant son premier album  El Mahrousa avec le label Hamzet Wasl Records. Néanmoins du fait des restrictions gouvernementales, de la censure et de différents obstacles, l'album n'a pas pu être distribué physiquement en Egypte jusqu'en 2012.

Son EP Habeit A’ollak (2020) est une étape entre sa musique d'El Mahrousa et le son afro-égyptien qu'elle développe actuellement, espérant reconnecter musicalement l'Egypte avec le reste du continent africain. En préparation et recherche pour cette nouvelle direction, Nadya Shanad a voyagé dans diverses zones du continent afin d'explorer les genres musicaux et les scènes locales, tout en tissant des liens, en collaborant et en créant avec des musiciens locaux.

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