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Rencontre avec l’Ensemble Chakâm, prix du public ICART Sessions 2021

photo : Ensemble Chakâm  - © Ashkan Noroozkhani

Après un appel à candidatures d’un mois, ICART Sessions a sélectionné 20 artistes parmi 150 candidats lors d’auditions organisées au Studio FGO-Barbara les 28 et 29 janvier derniers. Les six finalistes se sont produits sur la scène du Carreau du Temple dans le cadre de l’émission Ocora Couleurs du monde de Françoise Degeorges. Rencontre avec Sogol Mirzaei (târ), Christine Zayed (qanun), et Marie-Suzanne de Loye (viole de gambe) de l’Ensemble Chakam, qui a obtenu le prix du public & des étudiants !

 

Comment vous êtes-vous rencontrées ?

Sogol Mirzaei : C’est en 2014 que j’ai fondé l’ensemble Chakâm, avec une joueuse de qanun, une joueuse de tombak et moi-même au târ. L’envie de départ était de célébrer le répertoire classique persan purement instrumental. Mais l’une des musiciennes vivait en Hollande et l’autre en Australie, de fait l’éloignement géographique rendait l’organisation complexe.

J’étais donc à la recherche d’une joueuse de qanun sur Paris, et c’est via une vidéo sur les réseaux sociaux que j’ai découvert le travail de Christine. J’ai été très impressionnée par son touché et la fluidité de son jeu. Son arrivée dans Chakâm a créé de nouvelles perspectives : ouvrir sur les influences musicales arabes et palestiniennes, ainsi que la possibilité d’utiliser la voix comme nouvel élément de la palette.

Par la suite, j’ai rencontré Marie-Suzanne (aussi par une vidéo de concert !) lors de la préparation d’un album de chansons traditionnelles iraniennes avec un autre groupe pour lequel nous avions besoin d’un instrument à archet. Ce fut également une belle rencontre, Marie-Suzanne était partante pour nous rejoindre dans Chakâm qui était devenu entre-temps un espace où faire résonner les compositions de Christine et les miennes. Le timbre, le phrasé, l’archet et les origines baroques européennes de la viole de gambe apportaient encore d’autres couleurs.

C’est à l’occasion des Dialogues d’Oksyrian lors du festival les Lisztomanias à Châteauroux en octobre 2020 que Chakâm s’est produit pour la première fois sous sa forme actuelle avec Christine, Marie-Suzanne et moi.

Aujourd’hui quels sont vos liens avec vos pays ?

Sogol Mirzaei : Je rentre régulièrement en Iran pour voir ma famille et mes amis. Mais au-delà du voyage pour retrouver mes proches, c’est aussi le moyen de me ressourcer en gardant une connexion avec la tradition et la vie musicale de ce pays, car je n’oublie pas que les racines de mon instrument viennent de là. Il est difficile de percevoir et de jouer cette musique sans aller à sa source, c’est pour cela qu’il est fondamental pour moi de nourrir le lien avec l’Iran.

Christine Zayed : Je rentre régulièrement chez moi pour voir ma famille, mes amis et mes anciens collègues. La Palestine est ma première maison, la plupart de mes sources d’inspiration proviennent de là, tant sur le plan culturel, musical, qu’émotionnel.

En tant que femmes, avez-vous rencontré des difficultés lors de votre parcours ?

Sogol Mirzaei : Personnellement je n’ai pas eu de problème dans l’apprentissage de la musique, à la fois parce que je vivais dans une grande ville comme Téhéran, et que mon contexte familial y était favorable. Cependant, dans certaines petites villes ou dans certaines familles croyantes, il peut y avoir des barrières pour apprendre la musique, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Parfois il peut arriver que certains concerts soient annulés en raison de la présence de musiciennes. Mais encore une fois, ce n’est que dans certains endroits d’Iran, ce n’est pas un cas général.

Marie-Suzanne de Loye : J’ai l’impression que mon parcours s’est fait sans heurt. Mais cela fait très peu de temps que j’ai un regard sur l’impact du genre. Je vous invite à regarder les travaux de la socio-musicologue Hyacinthe Ravet dont les recherches portent sur les rapports de genre dans les milieux artistiques, il y a beaucoup à dire !

Christine Zayed : J’ai probablement fait face à des problèmes que n’importe quel musicien a pu rencontrer. Je ne sais pas si ces obstacles touchent seulement les femmes ou également les autres genres. Dans l’absolu j’essaye toujours de ne pas me focaliser sur la nationalité, le genre, l’âge ou la race lorsque je fais mon travail. Mais je dois bien reconnaître que les femmes sont toujours confrontées à l’injustice dans tous les domaines de la vie.

En quoi votre pratique musicale ancestrale du radif est influencée par un environnement musical moderne ou d’autres cultures ?

Sogol Mirzaei : Ce que nous jouons dans Chakâm ce sont les compositions de Christine inspirées des maqâms et des mawazeen (les modes et les cycles rythmiques arabes) et les miennes inspirées du radif (le corpus de musique classique iranienne). Ces musiques sont certes très codifiées mais proposent une multitude de chemins qui ne cessent d’être des sources d’inspiration et de renouvellement. Ce sont des points de départ et d’ancrage très forts, mais nous sommes aussi irriguées par les autres musiques que nous avons côtoyées, pratiquées et étudiées : la musique baroque et classique, la musique contemporaine, le jazz…. Toutes ces influences vont affleurer dans les détails, par exemple dans le choix d’un accord, d’un intervalle, d’une rythmique, d’un phrasé ou d’une dissonance. Au fil du travail, la musique qui se dévoile est le résultat du tissage minutieux de tous ces détails.

Quels musiciens modernes et traditionnels vous ont marqués ?

Marie-Suzanne de Loye : Sokratis Sinopoulos et Evgenios Voulgaris (Grèce), Kayhan Kalhor (Iran), Silvia Perez Cruz (Espagne-Catalogne)…

Sogol Mirzaei : La liste va être longue Mohammad Reza Shajarian, Hossein Alizadeh, Lotfollah Majd, Ahmad Ebadi (Iran) John Coltrane et Johnny Hartman, Amalia Rodrigues, Habil Aliyev (Azerbaïdjan),…

Christine Zayed : Sayyed Darwich, Mohammed abdel Wahab, Mohamed al Qasabji, Riad Assunbati, Mesud Cemil Bey, Munir Bashir, Zakir Hussein, Chick Corea, Brad Meldhau, Joni Mitchell, Aziza Mostafa, Ziad Alrahbani, Philemon Wehbe, Kamilya Jubran et bien d’autres…

Ensemble Chakâm, ICART Sessions 2021 © photo : Jennyfer Routaboul
Ensemble Chakâm, ICART Sessions 2021 © photo : Jennyfer Routaboul
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