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Oumou Sangaré, une plaidoirie pour la paix

Confiante, souriante et un peu impressionnante. A peine sorti de mon train chahuté par les incendies, me voilà enfin à l’ombre d’un grand arbre aux abords de ruines antiques arlésiennes à papoter avec Oumou Sangaré. À l’ombre, aussi, de cette grande artiste internationale : chanteuse, musicienne et femme d’affaires, venue présenter au festival les Suds son nouvel album : Timbuktu. Une invitée éminemment pertinente pour un festival qui nous parle des suds comme autant de combats à mener pour construire un monde plus juste et désirable ou parfois pour simplement ne pas le voir s’autodétruire.

« Je suis très heureuse de retourner à Arles. J’ai joué ici en 2003. C’est un vrai plaisir de revenir dans ce Théâtre antique magnifique pour retrouver ce beau public d’Arles et du sud de la France. »

Il s’en est passé de choses depuis presque 10 ans et cette année où elle avait été nommée ambassadrice de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture. Sept nouveaux albums aux sonorités différentes mais toujours évidemment menés par les inimitables rythmes et mélodies wassoulous dont elle est la figure de proue. Ce soir-là, elle jouait son dernier disque d’une traite pour partager avec nous les sonorités plus blues qu’elle a composées en 2020 avec l’aide Pascal Danäe (Delgres) et de ses lignes de guitares envoûtantes.

« Je suis une artiste qui tourne sans arrêt depuis la sortie de mon premier album en 90 (Moussolou en 1988, ndlr). La pandémie m’a permis de rester un peu tranquille. L’esprit a eu le temps de se reposer et de bien réfléchir. Cet album est très important pour moi car j’ai eu le temps de le faire, sans stress avec un esprit apaisé. »

Elle donne à Timbuktu le nom de cette ville presque millénaire qui fait la fierté des Malien·nes et qui a tant souffert de la guerre ces dernières années. Une ville mutilée par les groupes islamistes, scarifiant à jamais ce précieux patrimoine classé à l’Unesco. Un conflit abandonné à lui-même où souffrent toujours les populations locales.

Si l’artiste a défait tous les plafonds qui lui étaient promis, c’est pour mieux ouvrir la voix à celles qui, comme elle, n’étaient pas promises à de tels sommets. « J’ai connu la faim, l’humiliation de la pauvreté. » De la petite vendeuse d’eau dans les rues de Bamako à la star et militante internationale, le chemin fut long mais l’artiste n’oublie pas ses origines. À la croisée de son art et de son engagement, il y a bien sûr, cette région : le Wassoulou, à cheval entre le sud du Mali, la Guinée et la Côté d’Ivoire, d’où vient une culture et une musique du même nom.

« La musique du Wassoulou est une musique traditionnelle et très riche. Elle vient d’un endroit très spécial où se rencontrent trois régions. Nous sommes ainsi faits de trois ethnies réunies : les Malinkés, les Peules et les Bambaras. Chacun est venu avec sa culture et on a réussi à les mélanger toutes les trois. Les jeunes ont créé des instruments comme le kamele n’goni (proche de la kora, ndlr) pour jouer avec les guitares dobro et ça donne un rythme unique reconnaissable instantanément. »

OumouSangaré005 © Stéphane Barbier © Stéphane Barbier

Oumou Sangaré aux Suds à Arles © Stéphane Barbier

Pour promouvoir encore plus la richesse de cette région, elle l’a dotée d’un campement et d’un festival, le Festival International du Wassoulou (FIWA). L’évènement a accueilli cette année 400 000 personnes et est devenu le plus important festival musical du Mali. Le Hellfest n’a qu’à bien se tenir.

Africaine, fille abandonnée par son père, femme, mère et grand-mère de « trois princesses » les combats d’Oumou Sangaré sont nombreux mais particulièrement forts lorsqu’il s’agit des femmes. Personnage de renommée internationale aux prises de position engagées, elle critique de toutes ses forces la polygamie, l’excision ou le mariage des enfants.

Son clip a été dévoilé à l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme.

Nul hasard si sa voix figure sur la bande-originale de Beloved, film dur et percutant dans la même veine et au même casting que La Couleur Pourpre. Nul hasard si Beyoncé choisie de sampler sa chanson « Diaraby Nene » dans Mood 4 Eva avec Jay-Z et Childish Gambino. Nul hasard si Aya Nakamura lui consacre un titre sur son premier album.

Un parcours sans pareil qui donne à la musique de Madame Sangaré cette chaleur et cette générosité qui n’auront pas échappé au public arlésien ce soir-là. « Notre rôle en tant qu’artistes dans la société est d’apaiser les cœurs et d’éveiller les consciences. »

OumouSangaré015 © Stéphane Barbier

Oumou Sangaré © Stéphane Barbier

Tout comme le défendent si bien les Suds et leur semaine de rencontres musicales, la culture se partage, se chérit et se métisse. L’Afrique de l’ouest, Baltimore où elle s’est réfugiée pendant le confinement pour composer, la slide guitare aux accents blues et créoles de Pascal Danäe, la musique d’Oumou Sangaré est vivante et se réinvente à chaque album pour notre plus grand plaisir.

« Depuis 32 ans que je voyage, d’avion en avion, de festival en festival, je fais beaucoup de rencontres et de découvertes. Tout ce que l’Homme fait, va et doit évoluer. Alors cette musique évolue avec moi le long de ce chemin. Comme je ne veux pas d’une musique fermée, ma porte est toujours ouverte. Je reçois les gens : des Américains, des Français, des Anglais, mais je fais toujours très attention au rythme du Wassoulou. Je veux le garder. Quand on me voit venir, on sait que c’est le Wassoulou qui arrive. »

Oumou Sangaré © Holly Whittaker

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