L'Opéra Royal d'Oman crée sa cité de la musique
Après une première salle de 1.100 places ouverte en 2011, l'institution a inauguré un second auditorium de 550 sièges en 2019 baptisé la « Maison des Arts de la musique ». Elle abritera en fin d'année une bibliothèque et un musée dédiés aux musiques des pays arabes et de l'est de l'Asie. Un campus des métiers de l'opéra devrait compléter le tout à terme.
Par Martine Robert
Le sultan d'Oman, Qabus ibn Saïd, décédé vendredi à l'âge de 79 ans était un passionné d'opéra et, un organiste chevronné. Cela se voit au Royal Opera House de Mascate, la capitale du sultanat. L'édifice, somptueux, abrite une salle de 1.100 places, ouverte en 2011, et destinée à accueillir des grosses productions de spectacles lyriques. Avec l'inauguration, l'an dernier, d'un second bâtiment baptisé « Maison des Arts de la musique », équipé d'une scène de 550 places pour des spectacles plus familiaux ou adaptés aux scolaires, « le Royal Opera House devient un hub musical et culturel », se félicite son directeur, l'Italien Umberto Fanni.
Un musée et une bibliothèque musicale, l'un et l'autre plus particulièrement axés sur les musiques du monde arabe, devraient ouvrir d'ici à la fin 2020. Et, à terme, un campus sur les métiers de l'opéra pourrait voir le jour.
Le musée proposera un voyage scénarisé interactif sur l'histoire de la musique et de ses fondamentaux à travers les cultures. L'espace réservé aux événements temporaires a déjà ouvert et reçu l'exposition « Opera, passion, power and politics », présentée à Londres par le Victoria and Albert Museum.
La bibliothèque abritera, elle, des milliers de volumes, de partitions et de revues, autour notamment de spécialités arabes. Des terminaux numériques permettront d'accéder aux services de streaming en ligne.
En attendant, ce complexe musical prend forme: une passerelle relie l'Opéra royal et la Maison des Arts de la musique, séparés par un centre commercial aux marques prestigieuses, dont un restaurant Fauchon . La location de ces emplacements complète les recettes du Royal Opera House, dont les espaces intérieurs et extérieurs sont aussi privatisables.
Sur un budget annuel non révélé, mais qui tournerait autour de 30 à 40 millions d'euros, l'institution, financée par une subvention de la famille royale, parvient ainsi à dégager 30 % de recettes propres, lesquelles devraient, à terme, être abondées par les cours délivrés sur le futur campus.
Le sultan avait fait de la culture musicale une priorité. Alors Umberto Fanni, qui a dirigé l'opéra de Vérone, multiplie les ateliers et événements interactifs à destination des scolaires et des étudiants (18.000 personnes touchées l'an dernier) tandis que les spectacles donnés en plein air pour un large public sont généralement gratuits.
Une équipe aguerrie
Si le montant investi dans les deux opéras n'a pas été révélé, nul doute qu'il se chiffre en centaines de millions d'euros. « Derrière ces bâtiments élégants au style traditionnel omanais, les équipements acoustiques et scéniques sont les plus innovants », se félicite le directeur, à la tête d'une équipe de 240 collaborateurs, dont certains venus de maisons lyriques reconnues.
Chaque production proposée est montée avec des professionnels réputés, à l'instar de La Flûte enchantée dont la mise en scène « arabisante » a été imaginée par l'italien Davide Livermore, qui vient de signer la Tosca à la Scala de Milan . La distribution a rassemblé des talents internationaux et, pour la première fois, les costumes ont été intégralement fabriqués à Oman.
« Cette Flûte enchantée, on espère la faire tourner ! Si l'Opéra Royal a d'abord commencé par accueillir des spectacles créés par d'autres, puis coproduit des opéras avec huit maisons lyriques de 5 continents, nous initiations maintenant nos productions : après cette Flûte enchantée, nous avons passé commande d'un opéra à un compositeur arabe. Nous ne devons plus nous contenter de regarder vers la culture occidentale, ni dépendre de l'expertise occidentale, mais développer nos propres savoir-faire », relève Umberto Fanni.
D'où l'idée de ce campus afin de former les futurs directeurs d'opéra, metteurs en scène, designers, décorateurs, costumiers, maquilleurs, techniciens, avec des cursus de trois ans. Une dizaine de chanteurs de la garde royale du sultan ont pu intégrer le choeur de la Flûte enchantée.
D'autant que les coûts logistiques pour faire venir les artistes constituent le premier poste de dépenses, et qu'avec deux scènes pouvant programmer simultanément, les besoins vont croître. Déjà la seconde salle a permis d'élargir le spectre des spectacles présentés : musiques arabe et du monde, concerts de chambre, comédies musicales… L'objectif est aussi d'élargir l'audience : 60.000 spectateurs en 2019, dont 21 % de public arabe (la moitié d'Omanais), et 79 % d'expatriés ou de vacanciers.
Car l'opéra royal fait désormais partie des « hits » de Mascate, avec la Grande Mosquée, pour les plus de 3,2 millions de touristes annuels. « Un séjour dans un hôtel comme le Chedi ou le Ritz avec tour de ville et une soirée à l'Opéra est un must ! », confirme la directrice générale d'AYA Désirs d'Orient, Adeline Fiani. L'institution omanaise organise d'ailleurs des visites guidées (comme l'opéra Garnier) qui ont séduit 46.000 touristes et croisiéristes l'an dernier.
L'exposition universelle Dubai 2020 , avec ses 25 millions de visites attendues, va lui offrir une nouvelle vitrine de choix, puisque l'opéra royal sera représenté au sein du pavillon omanais.
Martine Robert