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Musiques actuelles : Une histoire d’arabes !

Années 70 : Une jeunesse engagée qui goûte à la mondialisation et revisite le patrimoine 

 

Au début des années 70, le monde arabe est un ensemble disparate de jeunes États-nations d’Afrique du Nord, de l’Est, de l’Océan Indien et du Moyen-Orient qui ont acquis leur indépendance entre les années 20 et 60 pour la plupart.

L’idéal panarabique, très en vogue dans les années 60, est mis à mal par la division idéologique et politique des dirigeants et la défaite de la coalition arabe en 1967 lors de la guerre de six jours face à Israël.

Pourtant les jeunesses locales de ces pays aspirent à entamer une nouvelle ère sociétale et se met à rêver d’émancipation et d’ouverture, mais aussi d’une identité culturelle forte, dans un monde de plus en plus globalisé.

En parallèle, les musiques actuelles arabes, qui se distinguent des répertoires traditionnels savants et populaires, sont des musiques modernes et avant-gardistes qui intègrent des instruments électriques, des arrangements occidentaux et des processus créatifs proches de la pop, du rock, du funk et autres musiques amplifiées en vogue. Ainsi émergent des formations diverses et variées, le tout passé à la moulinette du quart de ton, des rythmes ternaires et autres singularités régionales.

On pense notamment à des groupes et artistes mythiques comme les golden hands, Ibrahim El Hassan, les Abranis, Ziad Rahbani et autres Cedars.  On voit également l’émergence du courant Néo-Traditionnel, qui puise dans les traditions millénaires de la matière pour développer le song-writing moderne de composition, à l’instar de Cheikh Imam, Marcel Khalifé ou Nass El Ghiwane.

 

Les abranis - Amliyi

 

 

Marcel Khalifé – Rita

 

Si certains puristes crient au blasphème, reprochant à ces esthétiques de tuer ou d’appauvrir l’âme musicale « arabe » et son authenticité, les artistes qui incarnent ces mouvements ont résisté aux bigoteries des anciens et aujourd’hui, les musiques actuelles dominent largement le marché dans la plupart des pays, surtout en ce qui concerne la variété et les musiques populaires, premier objet de consommation culturelle de la rue arabe.

 

Années 80-90 : Variétés populaires électriques, débuts du jazz arabe et expériences diasporiques

Dans les années 80, la production musicale a connu un tournant esthétique avec la domination des synthétiseurs et autres orgues digitaux qui amènent un son pop, kitsch et mondialisé, et  permet aux artistes du monde arabe de remplacer des orchestres de cordes et de percussions par des sons électroniques joués par un seul musicien. C’est l’explosion de la version actuelle du Raï, du Dabkeh, du Chaabi et autres genres traditionnels populaires qui connaissent un renouveau sonore et un rajeunissement du public. C’est également l’explosion du vidéo-clip comme partout dans le monde, qui remplace scopitones et comédies musicales. Les figures de proue de cette variété sont Khaled, Najat Aatabou, Georges Wassouf, Ragheb Alama, Assala Nasri …

On assiste aussi à la naissance des premières expériences en jazz, souvent avec des musiciens vivant en Europe, comme Rabih Abou-Khalil ou Anouar Brahem. C’est une musique sophistiquée qui se nourrit de la richesse d’improvisation du Jazz pour sublimer la diversité des musiques arabes, tant en ce qui concerne les rythmes que les gammes.

 

Ragheb Alama – Moghram Ya lail

 

Khaled – Didi

 

Anouar Brahem – The Astounding Eyes Of Rita

 

Sur le front local mais aussi dans les diasporas, de façon plus confidentielle mais avec une créativité plus débridée et un engagement politique plus assumé, on assiste à la naissance des musiques arabes alternatives et urbaines, héritières de la scène des années 70. Celle-ci est plus prolifique aujourd’hui alors que dans les années 80 et 90, à part quelques formations comme Carte de séjour et l’Orchestre National de Barbès, installées en Occident et soutenues par l’industrie de la musique, la production indépendante arabe reste limitée du fait des régimes autoritaires qui régissent ces pays et qui empêchent l’émergence d’une culture alternative libre.

 

Carte de séjour – Douce France

 

Orchestre national de Barbès - Alaoui

 

Ces rares artistes seront les portes-paroles d’une jeunesse qui vit un grand marasme social, c’est notamment les prémices du Rap au Maghreb avec des pionniers comme MBS ou Muslim et du rock alternatif et de l’électro-pop au Moyen-Orient avec Scrambled eggs et Soapkills. Le mélange tradi-moderne se développe avec des formations phares comme Gnawa Diffusion. Mention spéciale pour Rayess Bek, rappeur libanais (baptisé à l’époque « le MC Solaar du Moyen-Orient), premier artiste alternatif arabe à être signé en Major !

 

Muslim -  Yali Tebni Wt3ali

 

Soapkills – Menni Elak

 

Gnawa Diffusion – Hmoum Zawalia

 

Années 2000 : Scène alternative et hybride versus pop aseptisée et formatée

La scène alternative explose au début des années 2000 et connaît un pic de créativité et de diversité inégalé ces cinq dernières années, sans doute galvanisée par les « révolutions arabes » et la libération de la parole dans plusieurs pays arabes. On assiste à l’arrivée de véritables stars issus de cette scène comme les rockeurs de Hoba Hoba Spirit ou Mashrou’leila, véritables phénomènes régionaux au public étendu, ou les rappeurs comme Karkadan, Bigg ou Shadia Mansour. L’électro n’est pas en reste avec des innovateurs comme Duoud, Hello Psychaleppo, Maurice Louca et Deena Abdelwahed. Côté diasporas, on assiste à l’éclosion de projets très recherchés, véritable synthèse de cultures, comme le travail d’électro-rock progressif de Speed Caravan, la pop sombre de Bachar Mar-Khalifé,  la rétropop fraîche d’Alsarah and The Nubatones, le rap engagé de Narcy ou la trap-raï de Soolking.

 

Mashrou’leila – Lil watan

 

Shadia Mansour - AL Kufiyyeh 3arabeyyeh

 

Deena Abdelwahed – Khonnar

 

Alsarah & The Nubatones – Ya watan

 

Côté variété et musique populaires, la tendance reste la même que les années 90, mais intègre plus d’éléments électros et hip hop et s’éloigne au fur et à mesure des modes originaux pour ressembler à la pop américaine mixée avec des rythmes « khalijis » ou maghrébins, et le développement de personnages très formatés, aux beautés plastiques « parfaites » et au chant polissé. On pense aux bimbos du Levant comme Elissa et Haifa Wehbé et aux bruns ténébreux du Maghreb comme Hatim Ammor et Saad Lamjarred.

 

Hatim Ammor - Albak Yemchi Lhalo

 

Haifa Wehbe – Touta

 

Côté jazz, un nombre important d’artistes ont émergé ces dernières années, encouragés par des formations plus ouvertes dans les conservatoires des pays d’origine et par le succès de certains jazzmen arabes à l’international. La diaspora a produit aujourd’hui une des stars mondiales du jazz, le franco-libanais Ibrahim Maalouf, qui connaît un succès extraordinaire depuis quelques années, remplissant les plus grands événements jazz du Monde et les plus grandes salles de France.

 

Ibrahim Maalouf – Beirut

 

Mais que seraient ces artistes, sans le soutien de lieux, d’événements et d’acteurs acharnés sur le terrain et à l’étranger ? On pense ici notamment à nos amis d’Arabesques, magnifique festival en terre Occitane, qui démarre cette semaine et qui rassemblera quelques noms cités plus haut, c’est aujourd’hui le plus vieux festival dédié au monde arabe en Europe, un must see !

Mounir Kabbaj

Mounir Kabbaj – CEO, Ginger Sounds © Eglantine Chabasseur

 

Originaire du Maroc, Mounir Kabbaj a grandi à Casablanca, dans une famille intellectuelle passionnée d’art et de culture. À l’âge de 15 ans, il se met à la basse et fonde plusieurs formations de rock-métal dans sa ville au début des années 2000, dans un contexte hostile aux  musiques extrêmes.  Cela forgera sa nature rebelle et anti-conformiste mais également son intérêt pour les esthétiques alternatives.

Il débarque en France en 2004 et après quelques années d’expériences de scène, de production (stages et bénévolats) et des études de direction de projets culturels, Mounir intègre durant trois années le label et bureau des concerts Accords Croisés et le Festival Au Fil des Voix au poste de responsable de la communication et chargé de projet label.

Impliqué dans le management d’artistes et la conception d’événements, Il co-fonde en 2014 à Paris sa propre agence, Ginger Sounds, spécialisée dans la production de spectacles et la prestation de services autour des musiques actuelles du monde, avec un fort intérêt pour les nouvelles scènes méditerranéennes et africaines. En parallèle, Mounir est également Selecta World Music sous le pseudonyme « Le Mood Du Mahmood » , il a déjà mixé dans plusieurs grands événements et lieux tels que Timitar, Visa For Music, Les Suds à Arles, l’Institut des cultures d’Islam, l’Institut du Monde arabe …

Aujourd’hui Mounir est vice-président du Réseau Zone Franche, il développe également tout un volet de formations et d’enseignement et intervient régulièrement à l’ATLA ET À L’IESA notamment et propose des masterclass et des formations adaptées dans différents pays d’Afrique et du Moyen-Orient.

 

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