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La chanteuse franco-malienne Rokia Traoré maintenue en détention

La justice française se prononcera le 25 mars sur l’extradition de l’artiste en Belgique, où elle risque cinq ans de prison dans une affaire d’enlèvement d’enfant qu’elle conteste.

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Publié le 18 mars 2020 à 18h34, modifié le 18 mars 2020 à 18h39

Temps de Lecture 4 min.

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La chanteuse Rokia Traoré à Aix-en-Provence, en France, le 3 juillet 2018.

Ecrou no 456567, reste en prison. Mercredi 18 mars, la justice française a maintenu en détention provisoire l’artiste franco-malienne Rokia Traoré. Elle se prononcera le 25 mars sur la remise de la chanteuse à la Belgique, une procédure d’extradition étant lancée à l’encontre de cette femme nommée en 2016 ambassadrice de bonne volonté du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). En Belgique, elle risque cinq ans de prison.

Le 10 mars, Rokia Traoré a été arrêtée lors de son escale à Paris, puis incarcérée à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne) : elle venait de quitter le Mali pour se rendre à Bruxelles, afin de répondre « librement » à une convocation en appel de la justice belge. En effet, Rokia Traoré est sous le coup de deux mandats d’arrêt européens pour « enlèvement, séquestration et prise d’otage ». L’artiste ne veut pas remettre sa fille de 5 ans à son père de nationalité belge, duquel elle est séparée, même si un jugement de 2019 l’y contraint. Pourquoi un tel refus ?

Le tribunal de première instance de Bruxelles avait décidé de confier « la garde exclusive » de l’enfant au père ; une décision que la chanteuse a contestée « dès le départ », d’après MKenneth Feliho, du barreau de Bruxelles, puisqu’elle avait interjeté appel du jugement de première instance.

Plainte pour « attouchement sexuel »

Dans une lettre ouverte rendue publique par son avocat, l’artiste explique résider au Mali avec ses deux enfants depuis 2015, y être depuis enregistrée au consulat de France à Bamako « en tant que Malienne de nationalité française », et assure que son fils de 14 ans fréquente « sans interruption depuis septembre 2016 » le lycée français de Bamako. Selon elle, « la France ne peut nier » qu’il est impossible qu’elle ait eu « un domicile à Bruxelles duquel [elle aurait] enlevé [sa] fille de 4 ans subitement en 2019 », écrit-elle : « Il est évident que je ne peux avoir vécu sur deux continents en même temps. Il n’y a aucune trace de scolarisation de mes enfants en Belgique entre 2015 et 2019. »

Rokia Traoré ajoute qu’elle a refusé de se plier à la décision belge pour « protéger » sa fille : elle a déposé une plainte contre son ex-compagnon en Belgique, en France et au Mali, pour « attouchement sexuel » sur l’enfant. D’ailleurs, la chanteuse assure que la justicie malienne lui a accordé la garde exclusive par un jugement contradictoire.

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Son avocat (appuyé par Kominé Bocoum, un confrère qui représente l’Etat malien) s’insurge contre le fait que cette non-présentation d’enfant ait été transformée en un chef d’accusation incluant « séquestration, prise d’otage et enlèvement » pour permettre l’émission d’un mandat d’arrêt international. De plus, il réfute la compétence de la Belgique, alors même qu’une décision de justice a été rendue « au Mali, pays souverain », constatant « la violation de plusieurs conventions internationales et traités qui prévoient qu’en matière de garde d’enfant, ce sont les juridictions du lieu de résidence de l’enfant qui sont compétentes pour statuer sur sa garde et sur toutes les mesures prises dans son intérêt supérieur ».

Ce n’est pas tout : l’artiste a été arrêtée alors qu’elle était munie d’un passeport diplomatique malien. « Le juge qui a ordonné ma mise en détention à la prison de Fleury-Mérogis m’a affirmé qu’une immunité diplomatique malienne ne serait pas valable en Europe […] Le policier à l’aéroport de Roissy m’avait indiqué que l’avocat général lui avait dit n’avoir “rien à faire de mon immunité diplomatique” », explique dans sa lettre Rokia Traoré, qui voit dans cette affaire une forme de racisme. Le gouvernement malien, via son porte-parole Yaya Sangaré, a assuré suivre « avec attention la situation judiciaire de Mme Rokiatou Traoré », qui « bénéficie de l’assistance des autorités maliennes depuis plusieurs mois ».

Grève de la faim et risque de maladie

Des personnalités se sont depuis mobilisées pour critiquer son arrestation, à l’instar de l’ancienne garde des sceaux française Christiane Taubira. Dans une tribune publiée mercredi dans le quotidien Libération et signée par Lilian Thuram, Edgard Morin, Barbara Cassin ou encore Bénédicte Savoy, on peut lire : « Il n’est pas acceptable qu’aujourd’hui, en France, une mère qui se rend au procès en appel pour la garde de son enfant soit arrêtée et jetée en prison. Il est inacceptable qu’une enfant de 5 ans soit privée de sa mère au motif que celle-ci a obéi à une convocation de justice. Il est inacceptable que la France, qui se targue d’être le pays des droits de l’homme, bafoue à ce point ceux des femmes. Il est inacceptable qu’à l’heure où il est de bon ton de distinguer l’homme de l’artiste, la mère, la femme, la Noire et la musicienne subissent sans égards un sort d’une telle violence. » Une pétition en ligne exigeant la libération de l’artiste a recueilli plus de 27 000 signatures.

Depuis son incarcération, Rokia Traoré a entamé une grève de la faim « afin que [lui] soit accordé un procès équitable en Belgique et pour que le mandat d’arrêt européen ne soit pas injustement appliqué ». Selon son avocat, « elle est très affaiblie et il y a un risque de contracter en cellule le Covid-19 ». Avant la tenue de l’audience, il avait déposé une requête de remise en liberté pour raisons médicales. « Elle est fatiguée, insiste Me Feliho. Il est difficile pour une mère de ne pas pouvoir protéger sa fille. »

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