Guinea Music All Stars, la force du collectif

L'idée lui trottait dans la tête depuis un certain temps. Il y voyait une sorte de juste retour des choses. "Quand tu commences à réussir, il faut penser aux autres", estime Moh! Kouyaté, qui s'est  trouvé en une décennie une place sur le circuit international des musiques du monde après s'être installé en France en 2007 et avoir été révélé par T'en vas pas en 2015. Une "chance", à ses yeux, qui lui a conféré de facto auprès de ses compatriotes un statut, dont découlent des devoirs, en particulier à l'égard de tous ces artistes qui espèrent qu'il fera "quelque chose pour eux".

C'est en descendant de scène le 31 mai 2019 après avoir joué à l'Africa Festival de Würzburg, en Allemagne, que l'opportunité d'aller enfin au bout de son envie s'est présentée. A la faveur d'une discussion avec le patron des lieux, il évoque son projet : le Guinea Music All Stars, un collectif transgénérationnel au service la musique de son pays, longtemps aux avant-postes de l'aire culturelle mandingue.

Emballé, son interlocuteur lui propose aussitôt une place pour l'édition suivante du festival. Dans la foulée, il obtient un deuxième soutien, essentiel quand on travaille comme lui sans filet de sécurité – sans subvention : celui du Plan, une salle de banlieue parisienne qui dispose aussi d'un studio.

Des plus expérimentés aux plus jeunes

Premier contacté pour prendre part à l'aventure, Sékouba Bambino. Celui que Moh! tient pour "l'une des plus belles voix d'Afrique de l'Ouest" a fait autant preuve d’enthousiasme que d'investissement personnel. En tant qu'aîné, "il a joué son rôle", résume l'initiateur du projet, qui souligne "l'immense partage enrichissant" qu'il retire de cette expérience collaborative.

Aux côtés du chanteur quinquagénaire dont la carrière fait figure de référence, tant en solo qu'avec les groupes Africando et Mandekalou, un autre griot de vingt ans son cadet incarne la relève : Petit Kandia, surnommé ainsi pour le différencier de son illustre homonyme Sory Kandia Kouyaté qui avait acquis une renommée internationale dès la fin des années 50.

En complément de ces deux voix d'inspiration traditionnelle, celle de Phaduba apporte une couleur plus urbaine. Le pilier du rap guinéen apporte son flow et ses rimes en particulier sur Clandestine, un des quatre premiers titres commercialisés par le Guinea Music All Stars enregistrés entre la France et la Guinée.

Sur ce mini-album à valeur introductive, que Moh! espère le premier d'une longue série afin de pouvoir donner sa chance à un maximum "de jeunes talentueux", l'essentiel du propos se situe sur le terrain préféré de son concepteur, là où il excelle : le jeu, au sens propre. Les musiciens locaux, et les quelques exilés parisiens, auxquels il a confié ses compositions ont parfaitement répondu aux attentes, pour que le goût du live soit intact. Kora, ngoni, balafon mais aussi claviers, basse, batterie et guitares s'écoutent, se répondent, se combinent, communiquent avec une agilité impressionnante pour donner un résultat au nom souvent galvaudé : le groove.

Bien que certains de ces instruments ne fassent pas partie de la formule qu'il a retenue pour son répertoire personnel depuis des années, Moh! a "grandi avec" à Conakry et pris un certain plaisir à réfléchir à cet "exercice" imposé consistant à trouver les arrangements pour que "chacun puisse s'exprimer". Objectif doublement atteint, car si les individualités sont respectées, l'équipe en tant que collectif s'avère aussi performante que redoutable.

Guinea Music All Stars (Foli Son Productions) 2020
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