Dans son quatrième album, DNA, paru à l’automne 2019, Flavia Coelho, auteure, compositrice et interprète brésilienne, signe une chanson particulièrement corrosive à propos de Rio de Janeiro, la ville où elle est née, en 1980 : Cidade perdida (« ville perdue »). Elle en dresse un sombre tableau, pointe la corruption, les embrouilles, la peur, le crime organisé, le retour de la censure… Le clip correspondant, tourné dans une église désaffectée de Clermont-Ferrand, une semaine avant le confinement, une succession d’images noires et de scènes oppressantes, sera mis en ligne le 14 mai. Flavia Coelho, la radieuse, celle qui a enchanté quasi tous les soirs la Toile avec ses impromptus DJ sets diffusés en direct sur sa page Facebook (« Le live de la raison »), pendant le confinement, s’y montre le regard sombre, le doigt accusateur et, pour la première fois, n’esquisse pas l’ombre d’un sourire.
« Cidade perdida » exprime avec force vos indignations, et vous y affichez une posture qu’on ne vous connaissait guère. Pourquoi ?
« Cidade Perdida » est sans doute la plus violente et la plus virulente chanson que j’ai écrite. Quand le résultat de l’élection présidentielle au Brésil est tombé, il y a un an et demi [le 28 octobre 2018], ç’a été comme si je recevais un coup de poing en plein visage. J’ai passé une semaine en dépression, enfermée dans mon appartement, à Paris. J’avais commencé à écrire et à composer les chansons de mon nouvel album, DNA, j’y parlais de la beauté qu’il y avait à connaître ses racines, à savoir d’où l’on vient, j’étais dans un esprit positif. Et puis cette terrible nouvelle est arrivée : l’élection de Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême droite. J’ai dit merde, tout ce dont j’ai eu peur toute ma vie se confirme. Ce que j’ai vécu pendant mon enfance à Rio est alors remonté en moi, m’a littéralement envahie : la violence, la corruption, les affaires, la pauvreté, les inégalités.
Les Brésiliens ont choisi un président d’extrême droite qui incarne tout cela. J’ai ressenti comme une urgence le besoin d’en parler. Quand je suis venue m’installer à Paris, en 2006, je ne souhaitais pas dire des choses négatives sur mon pays, le dénigrer à travers mes chansons. Mais après le résultat de cette élection, je devais dire les choses telles qu’elles sont, avec les mots qui vont avec. Je parle de la situation politique et sociale à Rio, où Bolsonaro a créé son fief, son « cabinet de la haine », comme on l’appelle au Brésil, mais ce que je dénonce s’applique à l’ensemble du pays.
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