À Mayotte, un rituel soufi réservé aux femmes

Rituel de debaa à Mayotte ©Getty -  picture alliance
Rituel de debaa à Mayotte ©Getty - picture alliance
Rituel de debaa à Mayotte ©Getty - picture alliance
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Dans le 101e département français, Mayotte, les femmes possèdent leur propre rituel soufi : le debaa. Mêlant danse, musique, percussions et textes coraniques, le debaa permet aux Mahoraises de s'approprier une partie de la culture musicale de l'île.

Depuis le 23 août à minuit, la chaîne de télévision France O n’émet plus. Cette disparition signe la fermeture d’une grande vitrine sur l’actualité de l’outre-mer. Direction donc l'île de Mayotte. 

La musique mahoraise a été influencée par des cultures très différentes avant de s’unifier, notamment autour de l’Islam. A la base, on retrouve sur cette île une culture juive datant d’un millénaire avant Jésus-Christ. Puis à partir du IVe siècle, c’est l’Indonésie qui débarque à Mayotte, suivie par plusieurs pays africains dont Madagascar et le Mozambique, et enfin entre le XVIe et XIXe siècle, c’est l’Europe qui immigre avec une période de colonisation puis d’autonomie et enfin de ralliement à la France.

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Mayotte et l'Islam

L’islamisation, elle, s’est faite surtout autour du XIIe siècle. Une islamisation encore plus ancienne mais disons que cette religion s’est imposée à cette période avec la construction de mosquée un peu partout sur l’île. Aujourd’hui, 95% de la population mahoraise se dit musulmane. Et sur le plan musical, cela donne des pratiques artistiques comme le debaa, rite soufi très pratiqué sur l’île de Mayotte et réservé aux femmes. Pourtant quand il est apparu au début du XXe siècle, c’était une pratique masculine, qui s’est finalement ouverte aux femmes et désormais c’est une des grandes traditions musicales du pays. 

Un rituel musical 100% féminin

Le début du rite est un échange a cappella entre un chœur féminin et une femme soliste choisie pour ses compétences musicales : il faut une voix claire, puissante et capable de faire des ornementations.Toutes ces voix sont ensuite accompagnées par un ensemble de tari, des tambours sur cadre.

Ensuite, la deuxième partie donne un rythme parce que le debaa n’est pas seulement chanté, c’est aussi chorégraphié. Les femmes se retrouvent donc pour chanter, jouer du tambourin à cymbalettes et du tambour à cadre et pour danser. Les mouvements sont lents, presque minimalistes, les femmes ne changent quasiment pas de position, les pieds sont fixes, seuls le haut du buste, les mains, la tête et les bras effectuent une gestuelle codifiée, précise et parfaitement apprise. 

Le debaa, enseigné dès le plus jeune âge

Elles apprennent cette tradition à l’école coranique qui enseigne le debaa aux petites filles… Le debaa permet de connaître le texte religieux, d’apprendre d’un instrument de musique, de maîtriser le chant et la danse, un enseignement complet qui permet surtout ensuite de porter ce rite musical à son sommet. 

Le disque dont sont issus les extraits de debaa diffusé dans cette chronique a d’ailleurs été récompensé en 2009 par France Musique. Il s’appelle très simplement “Chant des femmes soufies”, publié chez le label Ocora. 

On peut entendre du debaa à de nombreuses occations sur l'île : au départ, il est chanté pour expier ses dettes morales envers Allah. Aujourd’hui, il est pratiqué dans quasiment tous les villages de l’île, par exemple au moment où les pèlerins reviennent de la Mecque, pendant le ramadan, lors de fêtes diverses… L’ethnomusicologue Sophie Blanchy précise que cette cérémonie religieuse est pratiquée pour célébrer “autant la joie d’un événement que la foi en Dieu”. 

Dans la discothèque d'Ocora
15 min

Discographie

Mayotte/Debaa/Chant des femmes soufies.
Label : Ocora

Disque consacré aux chant des femmes soufies de Mayotte
Disque consacré aux chant des femmes soufies de Mayotte
© Radio France

Ile de Mayotte/Musiques, danses et instruments traditionnels. Label : Takamba

Musiques traditionnelles sur l'île de Mayotte
Musiques traditionnelles sur l'île de Mayotte
© Radio France

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