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Culture - Rencontre

Bassam Saba : La musique doit rester un des piliers de la société

Le directeur du Conservatoire se confie à « L’OLJ », quelques semaines avant la grande réouverture de l’établissement national et la reprise des activités des orchestres nationaux contraints de suspendre leurs activités depuis près de deux mois, à cause de la pandémie du coronavirus.

Bassam Saba, musicien oudiste avant de devenir directeur du Conservatoire national supérieur de musique au Liban. Photo DR

« Que lisez-vous, monseigneur? Des mots, des mots, des mots, des mots », écrivait, il y a plus de 400 ans, l’auteur de Hamlet. Aujourd’hui, cette célèbre réplique shakespearienne pourrait devenir : « Corona, corona, corona, corona. » En effet, depuis quelques mois, le coronavirus est dans toutes les news. Il a chamboulé le monde, l’a mis à genoux. Plus rien n’est pareil et ne le sera avant longtemps. Le temps s’est arrêté. Le confinement et les mesures de distanciation n’ont épargné personne.

Le Conservatoire national supérieur de musique du Liban (CNSML) ainsi que ses deux orchestres, philharmonique et de musique arabe orientale, n’ont pas fait exception. Salles de concert désertées, récitals annulés, musiciens et mélomanes privés de leurs moments de bonheur, élèves séparés de leurs mentors, pianos abandonnés... Malgré tous les obstacles économiques et sanitaires, Bassam Saba, président du CNSML et directeur artistique des deux orchestres libanais, affirme n’avoir épargné aucun effort pour mener au mieux sa mission durant cette période atypique.

« Aujourd’hui plus que jamais, nous devons comprendre pourquoi la musique doit rester un des piliers de notre société », affirme Bassam Saba. Le musicien de renom, qui a pris en 2018 les rênes du vivier musical le plus important du pays, indique qu’il a hérité d’« un système qui est à l’image de la société libanaise sortante de l’abîme de la guerre civile ». Cette dernière a laissé, selon lui, une trace indélébile dans la conscience du pays du Cèdre qui porte encore les stigmates de cette affreuse période. « L’art est le reflet honnête de la société », insiste-t-il, tout en expliquant que c’est l’absence de l’éducation musicale durant et après ces longues années de combat qui a mené à la dégradation du niveau et de la qualité de la musique au Liban. Et de poursuivre : « Grâce à l’expérience que j’ai acquise avec mon orchestre aux États-Unis, et en tant que directeur du conservatoire, mon rôle est de (re)hausser ce niveau, car on a toujours besoin de travailler et de s’améliorer. Mon objectif est de poursuivre le chemin de mes prédécesseurs tout en ouvrant de nouveaux horizons. »

Il souligne, toutefois, la nécessité d’être réaliste surtout dans un pays où le moindre changement requiert la signature des plus hautes autorités politiques qui le plus souvent sont occupées à se quereller : « L’ex-ministre de l’Éducation Akram Chehayeb m’a quand même été d’un grand support et avait promis de soutenir mon plan musical pour le pays. »

Ce projet auquel Bassam Saba tient le plus, interrompu à plusieurs reprises à cause des crises qui secouent le pays depuis des mois, constitue la « bouée de sauvetage » du niveau musical.

« Pour pouvoir traiter une maladie, il faut commencer par la diagnostiquer. Le vrai problème de la musique au Liban, c’est le manque de vrais pédagogues, car un bon musicien n’est pas forcément un bon professeur. Ainsi, mon but est d’instaurer une formation de pédagogie musicale au sein même du conservatoire », explique le multi-instrumentiste libanais. Une formation, regroupant différentes disciplines dont la psychologie, l’esthétique et l’histoire de l’art, qui permettrait, au bout d’un an de cours intensifs, aux diplômés de répandre la culture musicale dans les écoles « là où le vrai changement devrait se faire pour que les musiciens en herbe choisissent volontairement de poursuivre leurs études académiques au conservatoire et éventuellement faire carrière dans le domaine musical ».

Retour le 8 juin ?

Par ailleurs, le directeur du CNSML annonce que les cours reprendront à partir du 8 juin en respectant des mesures drastiques pour endiguer une deuxième vague épidémique.

« Pour les plus petits des classes de formation musicale, il se peut que les cours se poursuivent à distance », ajoute-t-il, en soulignant que le conservatoire a été, durant cette phase, l’un des « pionniers de l’éducation en ligne bien avant que les ministères proposent le recours à cette méthode ». Quant aux examens, ils se tiendront vers la fin de juillet pour éviter de « perdre » une année d’étude. De plus, Bassam Saba met l’accent sur le nouveau projet qu’il a lancé sur la page Facebook du CNSML qui publie, depuis un certain temps, des vidéos dans lesquelles des étudiants interprètent, selon leur niveau, différentes pièces musicales : « Certains ont préféré critiquer ces jeunes musiciens au lieu de les encourager. Cela ne relève que de leur mentalité oppressive voulant à tout prix empêcher l’autre de s’exprimer. Cet échange a permis de créer un certain défi entre les différents étudiants et de les présenter les uns aux autres. »

Le sort de la saison des orchestres reste pour l’heure inconnu en attendant le feu vert du gouvernement qui a annoncé la semaine dernière que la reprise des activités musicales ne fera pas partie du plan de déconfinement progressif débuté le 27 avril et échelonné jusqu’au 8 juin. La saison est-elle donc bel et bien terminée ?

« Pas pour le moment ! Les programmes sont prêts et dès que toutes les conditions le permettront, nous reprendrons le reste des concerts de la saison. »

Montage intelligent

L’Orchestre philharmonique du Liban (OPL) a récemment publié une vidéo dans laquelle ses musiciens interprètent un extrait du célèbre poème symphonique Ainsi parlait Zarathoustra de Strauss, inspiré du poème éponyme de Nietzche sous-titré Un livre pour tous et pour personne. Harout Fazlian, l’un des chefs de l’OPL, voulant figurer dans cette vidéo, et afin d’éviter les critiques subies par un homologue qui est apparu entrain de gesticuler avec l’orchestre de musique arabe orientale, s’est incrusté d’une façon plus perspicace. Comment ? En superposant les différentes parties de la pièce (enregistrées séparément et à distance) à une vidéo d’un vrai concert datant de plusieurs années, donnant ainsi l’illusion du réel. Quoi qu’il en soit, et malgré plusieurs bémols retenus au niveau de la section cuivre de l’orchestre, cet enregistrement « pour tous et pour personne » avait, selon son directeur artistique, un but éducatif, car cela a permis de montrer aux jeunes musiciens et aux Libanais le rôle de chaque instrumentiste qui apparaissait, suivant la partition, sur l’écran. « Nous poursuivrons notre travail éducatif et culturel avec tous les moyens que nous disposons. Le changement a besoin de temps, mais le travail acharné finira par porter ses fruits », affirme Bassam Saba.

« Que lisez-vous, monseigneur? Des mots, des mots, des mots, des mots », écrivait, il y a plus de 400 ans, l’auteur de Hamlet. Aujourd’hui, cette célèbre réplique shakespearienne pourrait devenir : « Corona, corona, corona, corona. » En effet, depuis quelques mois, le coronavirus est dans toutes les news. Il a chamboulé le monde, l’a mis à genoux. Plus...

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